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Grand Pontarlier : un budget 2023 très incertain à cause de l'inflation selon Patrick Genre

Publié le 06 Déc. 2022 à 11:12
Tags: Economie | grand pontarlier | patrick genre | inflation |
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Grand Pontarlier : un budget 2023 très incertain à cause de l'inflation selon Patrick Genre Patrick Genre

Le budget de la CCGP (communauté de communes du Grand Pontarlier) se prépare pour le 14 décembre prochain, celui de la ville pour le mois de mars. Un casse-tête pour les élus qui doivent jongler entre annonces gouvernementales et hausses du prix de l’énergie. Entretien avec Patrick Genre, maire de Pontarlier et président de la CCGP.

 

Vous avez récemment débattu des orientations budgétaires 2023 pour la CCGP. Mais avec le reste de la crise COVID, l’inflation et la crise énergétique, comment construire un budget ?

Nous sommes dans une situation qui est totalement inédite. Je n'ai pas connu pareille situation alors que je suis élu depuis plus de vingt ans. Les résultats de cette crise sont multiples. Aujourd'hui, l'inflation pour les collectivités est supérieure à l'inflation des ménages. Elle est, sur 2022, entre 7% et 9%.  Pour 2023 elle sera plutôt entre 5% et 7%. Nous avons à faire bien entendu à l’augmentation des coûts concernant les investissements puisque les entreprises sont elles-mêmes confrontées à des augmentations de leurs charges. Nous sommes confrontés aux délais de réalisation des chantiers parce qu’il y a des problèmes de fourniture. Et puis nous sommes surtout maintenant concernés par cette explosion des coûts énergétiques. Nous aurons dans les prochains jours la connaissance du coût global pour la CCGP et la ville. On nous a préconisé de construire un budget avec un triplement du prix de l'électricité et de +50% pour le gaz donc ça représente des surcoûts énormes pour les collectivités. Cette très forte tension et augmentation des charges de fonctionnement va poser des problèmes pour financer ces dépenses supplémentaires. Cela va renier ou diminuer l'autofinancement et l’épargne que réalisent les collectivités. C’est un risque de ralentir l'investissement ou d'augmenter le recours à l'emprunt. C'est la première fois que nous avons une telle conjoncture d'événements. De plus, il y a encore beaucoup de flou sur les mesures qu’envisage de prendre le gouvernement pour nous accompagner. Bouclier, filet ou amortisseur tarifaire… Aujourd'hui nous avons des éléments qui évoluent presque tous les jours. Rien n'est figé, rien n'est écrit définitivement. Donc construire un budget dans ces conditions-là, c'est quand même assez compliqué.

Vous avancez pour le moment sans avoir une possibilité de voir sur le moyen ou même court terme ?

Nous avons pris, pour construire le budget, la base la plus réaliste. Ensuite on adaptera tout au long de 2023, à travers ce qu'on appelle les budgets supplémentaires où l'édition modificative. Nous allons actualiser les éléments budgétaires par rapport à ce qui nous sera annoncé par le gouvernement, donc c'est un budget qui va être certainement l'objet de pas mal de révisions en cours d’année.

Dans ces conditions, est-ce que vous allez continuer à investir ? En cas contraire, dans quoi la ville ou la communauté de communes renoncerait en premier ?

Vous avez raison de dire qu’il y a un choix quasiment cornélien qui pourrait se dessiner. Pour l’instant nous n’en sommes pas là car nous avons la chance d'avoir des bases financières et budgétaires qui sont saines. Nous avons longuement développé une vraie vigilance depuis quelques années. Le risque, c’est que les dépenses de fonctionnement progressent plus vite que les recettes de fonctionnement, ce qui réduirait l'épargne de la collectivité. Une collectivité, à l'inverse de l'État, n'a pas le droit de présenter un budget en déséquilibre. Donc il faut qu'on arrive à trouver des économies structurelles sur le fonctionnement de la collectivité, pour compenser l'inflation et pour compenser la hausse énergétique. Il y a des arbitrages qui devront être réalisés.

De quelles manières ?

Nous allons revoir tous les projets d'investissement, regarder si le projet a été engagé, réalisé etc... Ensuite, la décision sera de savoir si nous reportons, nous lissons dans le temps. Ce sont des arbitrages qui vont être rendus dans les prochaines semaines, mais l'objectif c'est bien de poursuivre ce qui est engagé. Il faut continuer à travailler sur des projets qui vont permettre à la collectivité d'être attractive. En ce sens, on parle des dossiers sur l'économie, de mobilité douce, bien entendu la poursuite de l’enfant, de l'appel d'offre et la consultation pour le centre aquatique. On parle de la mise en place de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, le schéma des modes doux... Tous ces éléments-là vont être poursuivis. Ce qui change c’est que ces projets pourront se faire peut-être moins rapidement que ce que nous avions envisagé, dans le but d’étaler la dépense. Pour l'instant on ne renonce à aucun projet, on réactualisera en fonction. Après, si on est face à un projet qui prend 30, 40, 50% de plus, peut-être qu'on sera amené à le reporter.

Vous avez récemment perdu la taxe d'habitation et la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) va disparaître. Comment allez-vous réagir face à ces diminutions de recettes ?

C’est une mauvaise nouvelle. Ça veut dire que demain, en 2023, il n'y aura plus aucun lien fiscal entre les ménages et nous. Seuls les propriétaires ont encore la taxe foncière, mais ils ne sont pas majoritaires. Il n’y aura plus de lien fiscal avec le monde économique avec la suppression de la CVAE ce qui pour moi n’est pas une bonne chose. Il n’y a plus de relations entre la collectivité et l'ensemble de ces acteurs et territoires. Ce sera comme la taxe d'habitation et tout le reste : on nationalise la fiscalité. Cela doit être compensé, mais là aussi il y a un grand flou, on ne sait pas précisément comment donc il y a beaucoup d'interrogations. On sait que lorsqu’il y a une compensation par l'État, ce n'est jamais en intégrant la dynamique, donc on perd de la capacité de financement et on perd de l'autonomie. On dépend de plus en plus des dotations qui tombent de l'État. Donc d'un côté nous avons des recettes qui stagnent, voire même qui baissent et d'autre on a des dépenses qui progressent. Pour les villes il y a des dépenses qui risquent d'exploser comme celles liées à l'accompagnement social parce que tout cet environnement d'inflation pèse sur les ménages. Cela risque d'accroître des besoins en aide financière, en aide alimentaire pour beaucoup de personnes.

Beaucoup de communes ont recours à l’augmentation du montant de la taxe foncière ? La moyenne est de + 3% ou 4% au niveau national pour 2023. Vous n’y toucherez pas dans le Grand Pontarlier ?

Non, nous avons pris l'orientation pour l'instant de geler la taxe. Il n’y aura pas d'augmentation de la taxe foncière en 2023 sur la communauté de communes. Il faut savoir quand même que les valeurs foncières vont augmenter, aux alentours de 6% ou 7%, donc malgré tout, les propriétaires verront la taxe foncière augmenter. C'est une décision de l'État donc nous ne voulons pas alourdir encore cette augmentation en élevant de notre côté notre taux. Nous avons donc décidé de geler le taux intercommunal.

Ce dont vous n’avez pas pu échapper, c'est l’augmentation du prix de l'eau. De combien montera la facture ?

Les budgets assainissement sont des budgets annexes, mais ils sont dans les mêmes configurations que l'inflation, les coûts, les délais. Les coûts des marchés sont en moyenne de 30% en plus. Entre l'eau et l'assainissement, c'est plus d’un million d'euros de plus en dépense énergétique qui est envisagée pour 2023. On a pu, sur l'assainissement, reprendre une partie des provisions de l'épargne pour diminuer l'impact. Ce n’est pas possible pour l’eau car nous n’avons pas d'épargne sur ce point, puisque la compétence a été transférée cette année. Nous n’avons aucune autre solution que d'augmenter le prix du mètre cube. L’augmentation sera de presque 40% parce que c'est 26% en plus des +15% déjà prévus. Nous augmentons de 26% de plus que ce qui était prévu. Effectivement cela va être un élément qui sera notable. Pour relativiser, même si l'augmentation en pourcentage est très élevée, on peut se dire que cela revient à peu près entre 10 et 11€ en moyenne par mois. Mais le problème c'est que cette dizaine d’euros par mois de plus pour l'eau sera valable aussi pour l'assainissement, pour l'alimentaire, pour les vêtements, pour le loyer et pour le carburant. Et c'est cette accumulation d'augmentation qui va créer une situation qui va être compliquée, on le sait. Mais nous n’avons pas le choix, c’est impossible de présenter des budgets en déficit. Donc pour équilibrer le fonctionnement par rapport à l'augmentation des charges, il a fallu qu'on joue sur le prix du mètre cube.

 

Propos recueillis par Benjamin Cornuez

Dernière modification le lundi, 12 décembre 2022 16:05
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