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Défendre le loup et la biodiversité : Une mobilisation prévue le 11 mars à Besançon

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Défendre le loup et la biodiversité : Une mobilisation prévue le 11 mars à Besançon
Le 11 mars prochain, le Pôle Grand Prédateurs et le collectif Loup massif du Jura organisent une manifestation pour le loup et la biodiversité, avec pour objectif d’éveiller les consciences des citoyens, des pouvoirs publics et des éleveurs. Cette marche citoyenne et pacifique débutera à 14h30 sur le parking Battant. Elle se terminera par une entrevue menée par une délégation auprès du préfet du Doubs à qui les collectifs exposeront leurs revendications. Ils déplorent notamment les décisions préfectorales, qui, sous la pression des lobbys agricoles, autorisent des tirs létaux à l'encontre du canidé. Les associations indiquent que retour du loup est révélateur de plusieurs problématiques ancrées sur notre territoire, notamment au sujet des méthodes d'élevage, de la filière comté ou encore de la construction d’une image néfaste autour du loup.

 

Sur notre territoire, les meutes de loups doivent désormais partager leur territoire avec un espace où les bovins sont omniprésents. Le loup se nourrit à 90% de proies qu’il chasse en forêt, particulièrement des ongulés, et participe au maintien de la biodiversité en prédatant en priorité les animaux faibles ou malades. Si ses proies de prédilection sont les cerfs et les sangliers, le loup se tourne parfois sur les bovins. A la fin de l’été 2022, de nombreuses prédations ont été constatées sur le massif jurassien, conduisant le préfet à mettre en place des arrêtés autorisant les tirs sur le loup. « Avant même d’essayer de protéger les troupeaux. Avant même de réfléchir à d’autre actions. Avant même de tenter des tirs d’effarouchement Â» déplorent les associations. « La femelle qui a été abattue l'année dernière était mère de trois louveteaux. Ça ne sert strictement à rien, sauf à déstabiliser les meutes et les éclater. Le résultat ? Les loups se dispersent, se retrouvent seuls. Et un loup seul ne va pas se comporter de la même manière qu’une meute. Les dégâts se feront là. Un loup seul, sans la force de sa meute, va se rabattre sur des proies plus faciles, comme le bétail Â» indique Alain Prêtre, de l’association Defend the Wolf.

 

Le loup, révélateur d’une problématique bien plus large

En premier lieu, les associations pointent du doigt la responsabilité et l’incompétence de l’Etat. Notamment à travers sa campagne de recrutement de lieutenants de louveterie pour le département du Jura. « Cela prouve une fois de plus que la cohabitation n’intéresse ni les éleveurs, ni le préfet. La seule solution proposée est simplement l’éradication du loup Â» explique Alain Prêtre. Selon les associations, le loup est révélateur de ce qu’il se passe plus globalement dans la région, plus particulièrement concernant la filière comté, celle-ci générant une importante manne financière. Avec un problème majeur mis en lumière récemment : la pollution et l’effondrement des écosystèmes. « On détruit le paysage pour augmenter les surfaces de pâture, avec des troupeaux qui s’agrandissent d’années en années. Seulement, les nappes phréatiques sont polluées et les rivières aussi. On en a l’exemple flagrant avec la Loue. Notre région devient un endroit de plus en plus pollué, et le loup arrive au milieu. Forcément, il est révélateur de ce qui dérange. Je me suis retrouvé face à des éleveurs qui m’ont dit que le loup gênait il y a 200 ans, qu'on l’a donc exterminé et qu’on recommencera s’il le faut Â» indique Michèle Budna, présidente du Pôle Grands Prédateurs. « Je suis né au bord du Dessoubre. Il y a 40 ans c’était un aquarium. C’est devenu un désert piscicole. C’est la même chose pour le Doubs, la Loue, et toutes les rivières de Franche-Comté et de Suisse Â» ajoute Alain Prêtre.

« Il faut arrêter de créer ce fossé entre pro et anti-loup. On a l’impression que deux groupuscules s’opposent et que la population n’est pas concernée. Alors que tout le monde l’est. Nous défendons l’intérêt général, alors que ceux qui s’opposent au loup défendent un intérêt particulier. Les pollutions concernent l’eau potable. Comme c’était l’omerta depuis des décennies avec la puissance de la filière comté, personne n’en parlait. Le loup est révélateur de ce dysfonctionnement. Nous ne sommes pas un groupe de fanatiques défenseurs du loup. On a conscience de ce qu’il se passe, et nous voulons préserver l’intérêt général. Le loup en fait partie. Le loup permet d’en parler. Le gros problème qui arrive, loup ou pas loup, c’est l’eau. Comment fera-t-on dans quelques années ? L’eau se fait de plus en plus rare, et de plus en plus polluée Â» Patrice Raydelet, du Pôle Grands Prédateurs.

 

Entretenir la peur du loup

En France, la peur du loup est ancrée depuis des millénaires dans l’esprit des populations rurales. Contes, légendes, mythes, le loup a toujours été présenté comme un redoutable prédateur qui pouvait attaquer l’homme. Cet hiver, du côté de Mouthe dans le Haut-Doubs, des sorties touristiques nocturnes ont même été annulées par précaution. La préfecture a aussi publié un fascicule détaillant le comportement à adopter en cas de rencontre inopinée avec le canidé. Pour rappel, en France, la dernière situation d'attaque d'un loup sur l'homme date de 1918 et il s'agissait d'un loup enragé. Pourquoi cet animal suscite-t-il tant de peur, alors même que les scientifiques s'accordent à dire que le loup est un animal discret et qu'il ne s'en prend pas à l'humain ? « C’est scandaleux d'avoir entendu des choses pareilles. Le préfet jette de l’huile sur le feu et maintient cette peur. Les éleveurs ne cessaient de répéter que les skieurs allaient se faire croquer sur les pistes de ski de fond cet hiver. On attend toujours le décompte final Â» souligne Alain Prêtre.

« Des pays européens vivent avec trois fois plus de loups que nous pour un territoire égal. La France et la Suisse sont l’exemple des pays fondamentalement anti-loup. J’ai passé du temps en Bosnie, dans un pays avec des ours et des loups. J’ai rencontré des éleveurs en montagne, avec des chiens de protection, mais qui se faisaient quand même parfois prédater quelques bêtes. Je leur avais demandé s’ils souhaitaient l’éradication de ces prédateurs. Ça m’a marqué, ils m’ont répondu : Non, ce sont les âmes de nos forêts Â» Alain Prêtre.

 

De fortes pressions exercées par les syndicats agricoles

 

Témoignage de Patrice Raydelet, du Pôle Grands Prédateurs :

« On avait proposé une démarche il y a plus de 10 ans. Quand il n'y avait encore pas d'attaque, en souhaitant accompagner cinq éleveurs avec des chiens de protection, et en leur apprenant à travailler avec. Petit à petit, les gens auraient pu avoir des retours d'expérience. Et puis, le jour où les prédateurs sont arrivés, ils auraient été prêts. Mais rien n'a été fait. Quand on a mis en place tous les chiens pour le lynx, ça a très bien marché.

Mais un loup ne vient pas chasser seul, il faut plus de chiens. Si les éleveurs avaient déjà cette expérience, ils auraient pu reprendre d'autres chiens. Mais là, on part de zéro à chaque fois. Autant de chiens ça ne se gère pas comme ça. Ils ont aussi une vie de meute, il faut gérer les personnalités de chacun. Si ça avait été fait y a une vingtaine d'années, comme on l'avait demandé, les gens auraient de l'expérience. Ceux avec qui on a collaboré, ça se passe très bien, on ne les entend pas, et ils ne subissent pas la pression des éleveurs. Aujourd’hui, ceux qui veulent prendre des chiens subissent une grosse pression.

En 2011, il y a eu un épisode loup qui a fait beaucoup de bruit dans le Doubs. On a été appelé tous les jours par la DDT, par certains éleveurs qui voulaient des chiens. Celui qui avait été le plus touché m'a appelé le lendemain. Et finalement, il a refusé parce que les syndicats lui avaient mis le grappin dessus. En lui interdisant de se protéger. Des gens chez qui on avait mis des chiens, une personne d'un certain âge en train de retransmettre sa ferme à son fils, a subi des menaces de mort et des lettres anonymes. Parce qu'il avait pris un chien de protection. Cette pression existe, on la connaît aussi dans le Jura. Les éleveurs qui s'opposent aux syndicats et qui ne suivent pas le mouvement sont mis de côté. Dans les Pyrénées, c'était la même chose. Un éleveur me racontait qu’on l’avait menacé d’incendier son exploitation et de massacrer ses bêtes. C'est une réalité que peu de gens connaissent. Il faut une personnalité à l'éleveur pour une situation comme celle-là, ce n’est pas évident. Rares sont ceux qui ont le courage de s'opposer au mouvement du monde agricole Â»