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Après Abdel Ghezali et Marvin Martin, troisième épisode aujourd’hui de l’Euro de Plein Air. Cette fois, c’est l’ancien arbitre professionnel Michel Vautrot, qui s’est prêté au jeu. Ce dernier connaît bien la compétition pour y avoir notamment arbitré la finale en 1988.

Michel bonjour. Tout d’abord, comment es-tu entré dans le monde du football ? Quels en sont tes premiers souvenirs ?

Bonjour. Il faut savoir que je suis arrivé de manière un peu étrange dans le monde du foot. Enfant, j’étais malade, j’ai raté 2 ans de scolarité, et je ne pouvais pas faire de sport. J’étais autant fait pour être arbitre que pour être curé, et pourtant je me suis retrouvé arbitre international après un parcours pour le moins hors du commun.

Tu n’avais pas d’idoles ou de souvenirs de football plus jeune ?

Tu sais, j’ai grandi dans la ferme familiale avec mes grands-parents. Personne ne parlait de football à la maison. Cependant, les gens m’amenaient des revues de sport quand j’étais malade. C’est comme ça que je me suis passionné pour le football mais surtout pour le cyclisme. J’ai rêvé à travers mes lectures des idoles de l’époque.

Tu entames par la suite une brillante carrière d’arbitre qui t'amène jusqu’à la Coupe du Monde en 1982 puis en 1990. Comment as-tu vécu ces moments ?

Ce sont des événements exceptionnels qui nous marquent. Jamais je n’aurais imaginé avoir la chance de vivre ça de l’intérieur. J’ai beaucoup appris notamment en 1982, où peu le savent mais j’étais 4ème arbitre de la finale. Vivre une finale de Coupe du Monde comme ça, de l’intérieur, ce fut un souvenir extraordinaire.

Tu arbitres au total 5 matchs de Coupe du Monde dont 2 de l’Argentine en 1990. À cette époque, je crois que l’Albiceleste tient dans ses rangs un petit joueur, pas vraiment connu, du nom de Diego Maradona. Plus sérieusement, quel souvenir gardes-tu de lui ?

J’en ai un souvenir marquant puisque la demi-finale en 1990 se joue à Naples, où Diego était, et est toujours d’ailleurs, considéré comme un Dieu. Les joueurs italiens étaient particulièrement nerveux parce qu’ils étaient censés être chez eux, à domicile, mais tout le stade encourageait et vibrait pour l’Argentine de Diego Maradona, alors qu’une place en finale de Coupe du Monde était en jeu.

On connaît Maradona pour son double côté ange et démon. As-tu des anecdotes particulières sur cette légende ?

Oui tout à fait. Malgré la réputation sulfureuse qu’il avait, c’est un joueur qui n’usait pas de son statut de star pour mettre la pression sur l’arbitre. Je n’ai jamais eu de soucis avec lui. Je me souviens même d’un quart-de-finale de Coupe d’Europe entre Naples et le Bayern Munich où il s’est fait remplacé à la 75e minute. Il donne son brassard de capitaine à un coéquipier, sort du terrain, puis revient vers ma direction. Je me suis demandé, « Qu’est-ce qu’il veut ? Il vient ronchonner ou se plaindre ? ». Il est juste venu me serrer la main et me remercier, puis il est parti en direction du banc.

Outre la Coupe du Monde, tu as aussi arbitré à l’Euro, et notamment en 1988 lors de la finale entre les Pays-Bas et l’URSS. On parle souvent de la pression des joueurs avant une finale, mais j’imagine que c'est pareil lorsqu’on doit l’arbitrer ?

Évidemment, la pression est énorme. La marge d’erreur qu’on admet aux joueurs, on ne l’admet pas à l’arbitre. Je me souviens de l’atmosphère de ce match. Il faut savoir que l’URSS a peu de supporters qui se déplacent à l’époque, donc on se retrouve avec un stade olympique de Munich totalement orange acquis à la cause des Pays-Bas. C’était impressionnant, mais il faut tout de suite se re-mobiliser afin de faire le moins d’erreurs possibles.

33 ans plus tard, suis-tu l’Euro actuel ? Qu’en penses-tu pour le moment ?

Pour être honnête, je ne l’ai que survolé. Pour moi, la compétition ne commence toujours qu’à partir des matchs à élimination directe, encore plus depuis le passage à 24 équipes où il n’y a plus de surprises, à part la Turquie peut-être qu’on attendait bien plus forte.

Tu préférais l’ancien système à 16 avec 2 qualifiés par poule ?

Tu sais, j’ai même connu l’Euro avec 8 équipes. On disait que l’Euro était plus dur à gagner que la Coupe du Monde pour cette raison. On attaquait directement par des matchs contre les meilleures équipes. Je trouve que le passage à 24 équipes a enlevé l’intérêt de  ce premier tour.

Pour parler un peu de ton domaine de prédilection, à savoir l’arbitrage. Quel regard portes-tu sur les évolutions de ces dernières années ?

Je suis de l’ancienne génération et personnellement, je n’aurais pas aimé arbitrer avec l’oreillette et le VAR. Les arbitres sont devenus des robots formatés, sans spontanéité. Ils attendent pour signaler un hors-jeu parce qu’ils ont peur de se tromper, ils attendent qu’on leur dise quelque chose dans l’oreillette. Lors du match amical de la France contre le Pays de Galle avant l’Euro, l’arbitre a mis 4 minutes à prendre une décision sur un but. Ça tue l’esprit du jeu, et on l’a encore vu avec la Belgique qui s’est vu refuser un but pour un hors-jeu de poil de mouche contre la Finlande. Le doute devrait profiter au jeu, à l’attaque.

Quels changements faudrait-il apporter ?

J’ai une philosophie qui est qu’une erreur, c’est celle qu’on peut voir à l'œil nu. Si on a besoin de 150 ralentis avec 15 angles différents, ce n’est plus une erreur pour moi. L’arbitrage vidéo devrait servir uniquement au 4ème arbitre lorsqu’il y a une erreur énorme comme la main de Dieu de Maradona ou celle de Henry contre l’Irlande. On oublie que l’arbitrage, c’est beaucoup d’interprétation. Il n’y a pas un humain sur cette planète qui a la même interprétation, la même sensibilité, le même feeling. Ce n’est pas un radar qui peut remplacer l’humain.

Une dernière question où je te demande de te mouiller, qui sera le vainqueur de cet Euro ?

Alors c’est très simple. Étant donné que je me trompe toujours dans mes pronostics, je ne vais pas dire la France ! Très honnêtement, c’est dur à ce niveau de donner un vainqueur. Il y a l’Italie qui m’a agréablement surpris. La Belgique aussi, qui à mon sens aurait déjà dû gagner la dernière Coupe du Monde. Faire un pronostic maintenant, autant faire Pic et Pic et Colégram !

Ex-international tricolore et pièce maitresse du FCSM de 2008 à 2012, Marvin Martin nous fait l’honneur d’être le deuxième invité de l’Euro de Plein Air. L’Ultimo Diez, qui joue depuis 2 saisons à Chambly, est revenu à notre micro sur sa carrière et sur l’Euro actuel. Entretien.

Marvin bonjour. Parlons dans un premier temps de tes débuts dans le foot. Comment es-tu « tombé » dans ce sport ?

Bonjour, c’est un peu tout. Les potes, j’ai une famille qui a toujours aimé ça aussi, tout ça réunit fait que j’ai baigné dedans on va dire.

Tu avais déjà des idoles ?

Oui, mon idole ça a toujours été Zidane. Après, il y a eu l’époque Xavi-Iniesta aussi que j’ai beaucoup aimé, ça jouait vraiment au football.

À l’âge de 8 ans, tu pars jouer à Montrouge. C’est un club amateur d’Ile-de-France assez connu pour avoir sorti de nombreux joueurs pros. Raconte nous un petit peu cette époque.

Ça se passait super bien. On a toujours eu une bonne équipe. Moi notamment, je jouais avec Hatem (Ben Arfa). On a gagné le championnat des Hauts-de-Seine, la Coupe de Paris… C’est vraiment des souvenirs inoubliables. On avait un super coach Daniel Ravaudey, et c’est vrai que cette période nous a marqué parce que c’était des super compétitions pour les jeunes, c’était vraiment le plaisir du football avant tout.

En 2002 tu pars de ton Ile-de-France natale pour la Franche-Comté et le centre de formation de Sochaux. J’imagine que ça ne doit pas être simple à 14 ans de quitter sa famille du jour au lendemain pour un endroit qu’on ne connait pas.

Au début ouais. Je ne vais pas dire que c’est dur parce que tu sais pourquoi tu pars, et même à cet âge là, je savais que je voulais devenir footballeur. Mais c’est vrai qu’être loin de sa famille, de ses amis, ce n’est jamais évident. Avec les gars du centre, on se serre les coudes, et puis le fait qu’on soit la pour notre passion facilite les choses.

6 ans plus tard, en 2008, tu fais ta première apparition chez les pros en rentrant au Vélodrome. J’imagine qu’il y a pire comme baptême du feu ?

(Rires) Oui, c’est clair ! C’est un souvenir exceptionnel dans un super stade. Pour une première, on ne peut pas rêver mieux, à part gagner le match peut-être.

C’est le début de ta carrière sochalienne qui durera 4 ans. Ce qui revient le plus souvent c’est évidemment la saison 2010/2011. Quels souvenirs en gardes-tu ?

FCSMMartin

C’était extraordinaire. C’est une saison où on était tous au top, avec un groupe qui vivait super bien. Nous, les jeunes, étions bien encadrés par les anciens. Lorsqu’il y a une aussi bonne alchimie dans un vestiaire, tu le ressens aussi sur le terrain. 

Comment tu expliques que cette saison se soit si bien passée ?

On sortait de plusieurs saisons compliquées, où il fallait maintenir le club. Je pense que ça nous a forgé. Il y a aussi l’approche tactique du coach. Il a tout fait pour nous mettre dans les meilleures conditions possibles. Quand on voit l’effectif et comment on jouait, c’était extrêmement offensif, et tous les coachs n’auraient pas pris ce risque là. 

Au bout de cette saison, tu découvres l’Équipe de France. Comment tu réagis en l’apprenant ?

On était au restaurant avec Ryad (Boudebouz), et toute l’équipe. On a fait un repas, il y avait même les journalistes qui étaient venus filmer, et je l’ai appris en direct à la télévision. Y’a pas de mots pour décrire ce que j’ai ressenti. Il y avait certes un peu de pression, mais c’était surtout de la joie, de la fierté, un moment extraordinaire.

On parlait de ton baptême de feu en Ligue 1 au Vélodrome, je pense que ton baptême de feu chez les Bleus, c’est pas mal non plus !

(Rires) Ouais c’est clair ! C’est mon plus beau souvenir. Il y a une fierté, un truc en plus, quand tu joues pour ton pays. Marquer deux buts comme ça dans une rencontre où on perdait 1-0, c’est un moment gravé à vie dans ma mémoire.

Un an plus tard tu es sélectionné pour l’Euro. Raconte nous le quotidien lorsqu’on vit une grande compétition comme celle là de l’intérieur.

C’est que des moments de kiff. Il y a la préparation où ça reste encore à peu près normal, mais quand ça commence, tu vois tout ce qui se passe à l’extérieur. L’engouement, l’ambiance dans et autour des stades, c’est vraiment magnifique, ça a un gout à part. Je n’en ai que des bons souvenirs, avec tous ces pays, tous ces supporters, c’était vraiment incroyable.

" Contre l’Allemagne, Pogba a été impressionnant, mais comme toute l’équipe"

L’Euro 2012, c’est aussi l’occasion de se mesurer aux plus grands joueurs. Est-ce qu’un joueur en particulier t’a marqué ?

C’est plus une équipe, l’Espagne. À cette époque là, c’était vraiment la meilleure équipe du monde. On les rencontre en 1/4 et c’est dommage parce qu’ils étaient imprenables. Ils jouaient sans attaquant pourtant, c’était Cesc Fabregas devant, mais c’était juste trop fort.

Dans cette liste des Bleus en 2012, il y a déjà un certain Karim Benzema. 9 ans plus tard, il vient de faire son retour en Équipe de France. Comment tu l’as senti pendant ce premier match face à l’Allemagne, et pendant les rencontres de préparation ?

Très bien, comme à son habitude. C’est un joueur extraordinaire, on sent que les autres ont envie de jouer avec lui, le cherche sur le terrain. Il sent le football, il joue avec tout le monde.

Plus globalement sur les Bleus, quel est ton ressenti ?

L’Équipe de France actuellement, c’est incroyable. Je pense que quand tu es d’une autre sélection et que tu t’apprêtes à jouer la France, t’as un peu peur, parce qu’il y a des joueurs extraordinaires, et ça va à 10 000km/h. Ils sont forts dans tous les points, sur chaque ligne, et avec Karim en plus, c’est presque injouable.

Sur l’Euro actuel. Est-ce que des équipes t’ont impressionné ?

L’Italie, je pense que c’est très très costaud, ils ont encore gagné 3-0 contre la Suisse. La Belgique aussi, même s’ils avaient quelques joueurs absents, vont monter en régime.

Si je te demande un pronostic pour la victoire finale, et pour le titre de meilleur joueur, tu me réponds ?

La France déjà, c’est certain ! Après pour le joueur, c’est difficile. Contre l’Allemagne, Pogba a été impressionnant, mais comme toute l’équipe. Rabiot a aussi fait un gros match, Kanté comme à son habitude. J’aimerai bien que ce soit Karim (Benzema), mais ça peut être Kylian (Mbappe), Griezmann qui fait énormément d’efforts… Même un remplaçant peut l’être tellement les Bleus sont forts.

Une dernière question plus personnelle, sur ton avenir. Tu es en fin de contrat avec Chambly, est-ce que tu sais déjà ce qui se passera pour toi la saison prochaine ?

J’aimerai bien continuer avec un bon projet. J’ai envie d’apporter mon expérience, de prendre du plaisir surtout. Je ne suis pas du tout dans l’optique financier, je veux retrouver un groupe comme à Reims où j’ai vécu deux saisons magnifiques. Je ne sais pas si j’aurais cette chance là, mais je l’espère.

Pourquoi ne pas passer un coup de fil à Omar Daf pour un retour à Bonal ?

(Rires) Ouais, ce serait magnifique ! On verra bien.