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Le Centre Athénas organise une conférence sur le lynx à Morre ce vendredi soir. Le thème de cette soirée est « connaissance et conservation de l’espèce ». Le rendez-vous est fixé à la salle des fêtes Jean-Charles Clerc, située 16 rue saint Fort , à 20h. Entrée libre.

Ilias Harkate a 25 ans, il est passionné par la nature et la faune sauvage depuis plus d’une dizaine d’années. Et plus particulièrement de ce félin mystique qui rôde dans nos forêts, le lynx boréal. Après avoir réalisé cinq années d’études dans l’environnement, le jeune homme a décidé de consacrer tout son temps à sa quête naturaliste. Après une première observation en 2020 sur ses caméras, puis un premier contact visuel un an plus tard, Ilias a depuis multiplié les rencontres avec ce félin. Il partage ses aventures et anecdotes de terrain sur sa chaîne Youtube et son compte Instagram. La rédaction a pu s’entretenir avec lui.

 

Bonjour Ilias, est-ce qu’en quelques mots, tu pourrais te présenter ?

Bonjour, je suis photographe-vidéaste animalier, et je suis passionné par la nature et la faune sauvage depuis mon adolescence. Je m’intéresse à une espèce emblématique de notre région, le lynx boréal. Je rêvais de le rencontrer, le voir, l’observer. Ma passion s’est nourrit au fil du temps en cherchant cette espèce, et ça m’a ouvert à toute la nature. D’année en année, j’ai voulu y consacrer plus de temps. J’ai donc lancé une série vidéo sur le lynx, qui est composée de 4 épisodes, où j’explique ma quête du début jusqu’à l’observation. J’ai mis 6-7 ans avant de le voir. Depuis quelques temps, j’ai réussi à mettre la main sur un territoire, donc les observations se sont enchaînées ces dernières années, même si ça reste encore très rare.

 

Cette passion particulière du lynx, comment est-elle née ?

C’est intérieur je dirais. Il y a vraiment quelque chose qui est né quand j’étais en 4ème, en section environnement au collège. On a fait un voyage dans les Alpes du Sud, dans un endroit où il y avait des loups. Donc on se baladait de temps en temps, et j’ai senti que j’étais plus attentif que les autres, ça m’a tout de suite fasciné. Et puis j’ai entendu parler du lynx pour la première fois. Quand je suis rentré chez moi en Franche-Comté, et que j’ai compris que le lynx était présent dans notre région, dans nos forêts, qu’il avait déjà été observé dans mon village, je me suis dit que c’était incroyable. Qu’il y avait « une panthère » dans nos forêts. C’est comme ça que je le voyais. Je me suis dit que dès j’aurais du temps, je mettrais tout en œuvre pour l’observer.

 

 

Partir en quête du lynx est une mission plutôt difficile. Comment se sont passés tes débuts ?

Le village où j’habitais n’était pas un endroit où il était présent régulièrement, donc je m’en suis tenu à chercher la faune sauvage, approcher les chevreuils, chercher des traces. En parallèle de mes études, j’ai fait ça pendant quelques années. Et puis au lycée, l’envie était grandissante. J’ai donc commencé à faire des stages liés à la faune sauvage pour me rapprocher de ce domaine. Puis en BTS, je devais réaliser un stage de deux mois, que j’ai fait en Pologne. J’ai donc passé deux mois en autonomie dans un parc national, à la recherche de grands prédateurs. Ça a été révélateur pour moi, parce que quand je suis rentré, je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire : consacrer ma vie à tout ça, faire de la recherche, de la prospection de terrain, en me disant que ce serait bien de retranscrire ce travail en photo et vidéo.

 

« C’est une quête longue, mais passionnante. Parce qu’il est vraiment difficile à observer. J’ai appris ces dernières années, qu’on n’est pas forcément au mauvais endroit quand on le cherche et qu’on ne le trouve pas. Il nous voit beaucoup plus souvent que nous, et il est beaucoup plus adapté à notre présence qu’on ne l’imagine. Ça m’a fasciné de me dire qu’il pouvait être là, sans que je le vois »

 

C’est un travail très chronophage, tu as dû passer un nombre incalculable d’heures sur le terrain.

Ça fait à peine 3 ans que je pose des caméras, et pourtant ça fait 6-7 ans que je me balade en forêt partout dans la région. J’avais ma paire de jumelle, même pas d’appareil photo, et j’essayais de me documenter, je regardais les articles sur internet. Quand quelqu’un voyait le lynx, j’essayais de regarder où est-ce que c’était. Je me baladais dans tous les endroits où il aurait pu être observé. Et je cherchais des traces, des crottes, des indices de présence. Oui j’ai passé un temps fou à chercher, avec une envie qui devenait de plus en plus grande. C’est après que j’ai eu envie d’avoir des caméras, en me disant que même sans être là, je pourrais avoir des infos. C’est un outil très intéressant pour ça. Et en 2020, j’ai enfin mon premier passage devant un piège photo, qui n’avait pourtant rien donné pendant un an. Dès ce premier passage, je n’ai plus bougé. J’ai exploré ce territoire, très grand, très vaste, en posant d’autres caméras pour obtenir plus d’informations. Une, deux, puis trois. Et en 2021, j’ai eu ce premier contact, cette première observation de mes propres yeux.

 

Est-ce que tu peux nous raconter ce premier contact, qui devait être un moment magique pour toi.

La première est toujours marquante. On ne sait jamais comment ça va se passer. Encore aujourd’hui, je me construis mille scénarios chaque fois que je vais dans les bois, et ça ne se passe jamais comme je l’imagine. Sauf quelques rares fois à l’affut. C’était un moment très fort, je l’attendais, c’était la période des amours au mois de mars. Je l’ai entendu pour la première fois feuler, un chant pour appeler la femelle. Je l’entends donc sans le voir, et je décide de me mettre à l’affut. Je l’aperçois alors, dans l’appareil photo, au loin. Et puis, quelques jours plus tard, je reviens sur ce lieu, et je le vois à 5-6m de moi, en train de m’observer. Je ne l’avais même pas vu arriver. Et quand on le voit une première fois, on a qu’une seule envie, le revoir encore et encore. Et de tout mettre en œuvre pour que ça arrive dans les meilleures conditions.

 

Apercevoir un lynx si près, ça doit être impressionnant.

C’est aussi ce qui est fascinant. On a parfois tendance à croire qu’il accepte notre présence. Peut-être que ça peut arriver, mais la curiosité joue aussi beaucoup. On peut le voir de très près, sans qu’il parte immédiatement. Il peut nous observer quelques secondes, voire quelques minutes, et partir tranquillement. Mais ce qu’il s’est passé ce jour-là, c’est que j’étais arrivé avant lui, dans un endroit où il allait passer, et toutes les conditions concordaient pour que je le vois d’assez près. Il m’a regardé quelques secondes, puis il est parti tranquillement, puisqu’il était surpris de me voir.

 

Où peut-on retrouver et suivre tes aventures ?

Je partage une grosse partie de ma quête sur Youtube. J’ai 4 épisodes où j’explique tout ce que je fais, chronologiquement. Et sur mon Instagram, Facebook, je publie des storys assez régulièrement pour partager mes anecdotes de terrain. Je suis photographe-vidéaste animalier, c’est un moyen pour moi d’essayer d’en vivre, mais surtout un outil pour partager mes émotions, et mettre en avant la faune sauvage à travers l’image. Je ne suis pas passionné par la photo à la base. Ce qui me passionne vraiment, c’est la recherche, la prospection de terrain, la récompense, toute cette faune sauvage qui m’inspire. J’ai aussi un site internet où je publie quelques images que je mets en vente à certaines périodes de l’année.

 

 

Il s’agit actuellement de ton activité principale ?

Pour l’instant c’est mon activité principale et j’essaye d’en faire mon métier. J’aimerais que ça se développe parce que c’est pas facile d’en vivre, mais c’est le défi. Ce n’est pas facile tous les jours, c’est comme ça quand on se lance en indépendant, ça prend toujours du temps. Et j’ai fait le choix de gérer les choses seules et d’être sur le terrain seul. Donc ça prend forcément plus de temps.

 

Aujourd’hui, tu te focalises uniquement sur le lynx ? Ou est-ce que d’autres espèces t’intéressent aussi ? Tu évoquais tout à l’heure les grands prédateurs.

Je m’intéresse à beaucoup d’espèces. Je parle du lynx parce qu’au départ il s’agit de ma principale motivation. Et c’est ce que je partage le plus car c’est l’espèce qui me passionne le plus. Mais tous les jours je m’intéresse aussi aux autres espèces, et c’est presque obligatoire. Dernièrement, ça m’est arrivé de ne pas voir le lynx pendant 8 mois. Sur le terrain je vois d’autres choses, donc je ne nourris de tout ce qu’il se passe à côté. J’ai passé beaucoup de temps avec les rapaces nocturnes l’an dernier, beaucoup de prospection pour les chouettes, le hiboux grand-duc, je vois beaucoup de chamois, toute la faune sauvage de notre région m’intéresse. Cet été, j’ai passé aussi du temps sur le loup, qui commence à revenir, et comme le lynx, il est très difficile à observer.

 

Comment vois-tu ton avenir proche, quels sont tes futurs projets ?

J’ai toujours mon projet sur le lynx qui occupe la plupart de mon temps. Donc pour l’instant on va dire que je suis concentré là-dessus. Et j’ai des idées, beaucoup d’envie, comme l’Europe de l’Est qui m’attire énormément. Pendant mes deux mois passés en Pologne il y a quelques années, je n’étais pas encore équipé, j’avais moins d’expérience, donc peut-être qu’après ce projet lynx, j’irai voyager un peu. Pour l’instant, rien n’est encore bien défini, mais j’ai beaucoup d’idées et d’envie.

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter à l’avenir ? Encore plus de rencontres avec le lynx ?

Oui plus de rencontres, d’en apprendre encore un peu plus sur ce félin, et surtout essayer de promouvoir toute cette faune sauvage, de montrer l’importance qu’elle a. Parce qu’au-delà de ma passion qui est assez intérieure et peut-être égoïste, il y a aussi l’enjeu de montrer qu’on ne peut pas négliger l’importance de cette faune sauvage et la beauté de la nature. Je pense qu’il ne suffit pas d’être passionné pour être émerveillé par tout ce qu’il y a autour de nous. Beaucoup de personnes seraient très surprises de voir ce qu’il se passe dans nos forêts, à quelques pas de chez nous.

 

Le centre Athenas a présenté ses meilleurs vœux pour l’année 2023. L’association en a profité pour tirer le bilan de l’année 2022 au cours de laquelle les lynx ont connu une mortalité routière sans précédent. 24 félins ont été tués. Par ailleurs, quatre nouveaux cas de braconnage ont pu être connus grâce à des témoignages courageux. Cette année, le centre Athenas relâchera deux jeunes lynx rescapés de 2022. Il prendra également en charge plus de 4000 animaux de la faune sauvage plus ordinaire, pour soigner et relâcher le maximum d'entre eux. L’association rappelle qu’elle a besoin de monde, particuliers adhérents, sympathisants, associations partenaires, communes ou entreprises engagées, pour continuer à mener son action.

Le jeune lynx, découvert dernièrement sur le territoire de la commune de Chapelle des Bois, n’a pas survécu. Et ce malgré, la mobilisation de l’équipe de soigneurs de l’antenne Athenas, basée à l’Etoile (39). Rappelons que l’animal, une femmelle de 4 mois, a été retrouvée déshydratée, dénutrie et en hypothermie. C’est un randonneur qui avait donné l’alerte. La mère n’a jamais été retrouvée. Sur sa page Facebook, l’équipe, « abattue » par cette fin tragique, réaffirme « sa détermination pour « sauver les lynx et lutter contre le braconnage ».

Dans le cadre du Plan National d’Actions en faveur du Lynx boréal, le 8 juin dernier,  une jeune lynx femelle a été remise en liberté à proximité du lieu où elle avait été recueillie sur le territoire de la commune de Morteau. Elle avait été signalée en détresse des suites d’une collision routière. Elle avait été capturée par le Centre Athénas.  L’animal  a été équipé d’un collier VHF/GPS pour garantir sa sécurité et collecter des informations sur sa réinsertion et sa réadaptation au milieu naturel.

La citadelle de Besançon propose des activités autour de l’histoire du lynx boréal les samedis et dimanche 19, 20, 26 et 27 février. Un conte sur l’histoire vraie d’un lynx du Haut-Doubs sera également proposé. Places limitées à quinze personnes. Cette animation est gratuite. Le public à partir de 7 ans y est convié. 

Laurent Geslin est photographe professionnel spécialisé dans les sujets liés à l'environnement depuis une vingtaine d'années. Depuis des années, il connait la plupart des grands félins de sa région du Jura Suisse. Il n’y a pas de film sur le lynx. Grâce aux observations pendant 9 ans du réalisateur, une histoire s’est construite autour d’une famille de lynx. Elle raconte la nature de manière spectaculaire, y compris dans sa dureté. C’est aussi un spectacle familial qui porte un engagement fort sur la préservation de la nature. L’attachement aux félins est ici total tandis que l’utilité de l’espèce est parfaitement démontrée. Rencontre avec le réalisateur. 

 

Mercredi 19 janvier est sorti en salle votre film « Lynx ». Comment vous est venue cette idée de long métrage ?

J’ai d’abord commencé par prendre des photos, ce qui m’a permis d’obtenir pas mal d’informations sur l’animal en tant que tel, que je ne connaissais pas forcément au début. Et puis une fois ce premier livre réalisé, je me suis lancé dans l’aventure de filmer l’animal, c’est la première fois que ça se faisait. En règle générale, les films utilisent des animaux captifs ou dressés. Là c’était vraiment l’aventure, puisque ce n’était que des animaux filmés dans ma région.

 

C’est pour cette raison que vous le spécifiez à la fin du film ?

Oui, je crois que le grand public ne réalise pas vraiment, à juste titre, parce que ce n’est pas forcément bien explicité dans les documentaires ou dans les films. Mais des espèces sont extrêmement difficiles à filmer ou photographier, et par conséquent certains réalisateurs ou certaines productions préfèrent utiliser des animaux captifs de façon à économiser de l’argent et du temps. Et à la fin on a dans le générique, très rapidement, une mention qui stipule et remercie les dresseurs, mais en aucun cas ce n’est très clair pour le spectateur, seul les naturalistes ou les gens qui ont un peu l’habitude savent que ce sont des animaux qui ont été dressés et déplacés devant la caméra.

 

D’où vous vient cet amour pour ce félin ?

Je pense que d’abord, j’ai un amour pour la nature d’une façon générale depuis tout gamin. J’étais absolument passionné et fasciné par les forêts depuis tout petit. Je viens de Bretagne, et j’ai vraiment passé énormément de temps à écouter le brame du cerf, les engoulevents, notamment chez ma grand-mère, dans la forêt de Brocéliande. J’ai aussi eu la chance de travailler en tant que photographe animalier dans différents pays. J’ai eu la chance de photographier des grands félins en Amérique du Sud, en Afrique, ou encore en Asie. Et quand je suis arrivé dans le Jura, je souhaitais au moins un jour pouvoir observer le lynx boréal, que je savais très dur à observer. Et au fil des années, mon intérêt pour cet animal est devenu une véritable passion, parce que j’ai commencé à connaître certains individus. J’ai commencé à pouvoir les suivre, et j’ai même raconté une histoire dans le film.

 

« La forêt est son royaume », c’est un peu devenu le vôtre aussi, après toutes ces années passées à le pister, à l’observer, vous avez appris à le connaître, à déchiffrer son mode de vie, à analyser son environnement. Pour avoir la chance de le rencontrer davantage que la plupart des autres gens, c’est un travail de longue haleine que vous avez dû mener, avec une persévérance et une détermination assez remarquable.

Oui c’est un projet très long. J’ai commencé il y a douze ans, c’est presque un quart de ma vie en quelque sorte ! Mon fils a 12 ans d’ailleurs, j’ai commencé quand mon fils est né. Je dis souvent qu’on ne connaît pas « les lynx », mais on connaît « des lynx ». C’est-à-dire qu’on a une connaissance assez approximative de l’espèce, et ensuite on commence à connaître les habitudes de certains individus. Et quand on les reconnaît, on sait s’il va plutôt aller vers la falaise où il y a des chamois, ou s’il va plutôt descendre selon les saisons, selon les périodes qui sont importantes pour lui. Comme la période de reproduction dans laquelle nous sommes en train de rentrer, parce que c’est entre février et mars. En ce moment, c’est une période cruciale pour l’animal. Et bien connaître certains individus me permet de bien me positionner dans la forêt pour soit l’écouter, soit l’observer.

 

Ce film, c’est 1h24 d’immersion en pleine forêt, que ce soit par les bruitages, le silence parfois aussi, les paysages splendides, et ces successions de plans qui s’enchaînent superbement bien, créant une histoire entre différentes espèces animales. Lors de toutes ces années que vous avez passées en forêt, vous avez aussi côtoyé de nombreux autres animaux que l’on voit apparaître dans ce film.

Effectivement, le son a été fait par Boris Jolivet, un audio-naturaliste, avec qui j’ai travaillé main dans la main pour habiller mes images. Avant j’avais enregistré pas mal de son déjà, mais je n’avais pas les bons micros de Boris à disposition. Par conséquent, cette immersion, c’est vraiment la volonté qu’on avait. On voulait que les gens s’assoient, et rentrent avec moi dans cet univers pour écouter la mésange noire, le cri du lynx, et plein d’autres espèces, et c’est vraiment notre première volonté, qui est de partager cette ambiance assez incroyable qu’est la forêt du Jura. Et puis au fil de l’histoire, on se rend compte qu’il n’y a pas que le lynx dans la forêt du Jura. Il y a des espèces emblématiques qui sont malheureusement des espèces très fragiles. On parle du grand tétra, ou de la gélinotte des bois, qui sont des oiseaux très discrets, très difficiles à observer, et qui sont de très bons indicateurs pour savoir si la forêt est en bonne santé par exemple.

 

On a aussi des plans sublimes dans ce film, des scènes incroyables. Cette rencontre entre un chat sauvage et un renard, le moment où vous observez enfin le père et la mère lynx ensemble après de longs mois, cette dépouille de chamois traînée difficilement dans la neige par un lynx, ces petites gélinottes qui viennent à peine d’éclore dont l’une a encore la coquille sur la tête, ou encore ces jeunes chamois qui sautillent sans cesse, et les adultes qui ont toujours quelque chose de coincé dans leurs cornes. Vous avez dû vivre des moments très forts, c’est un privilège d’assister à tout ça ?

Je suis ultra privilégié. Si je vois le lynx 8 à 10 fois par an, c’est déjà une très belle année. Et il y a aussi des moments où je ne le vois qu’une fois tous les 6, voire 8 mois. C’est très long. En revanche, pendant ce temps-là, je suis témoin de scènes sauvages extrêmement rares. La gélinotte, un oiseau nidifuge, c’est-à-dire que dès l’éclosion des poussins, ils quittent le nid rapidement, donc c’est un moment très furtif dans l’année. Trouver le nid déjà, c’est une belle prouesse, et réussir à assister à la naissance des poussins fraîchement éclos, ce sont des moments tout à fait privilégiés.

 

Cette scène où une dame se promène avec son enfant, et tombe nez-à-nez avec un lynx en train de dévorer une carcasse, c’est assez irréel comme scène !

C’est complètement irréel, et cette scène a deux histoires ! Parce qu’il y a d’abord un monsieur qui est passé. Et ce monsieur, lorsque j’étais en train de filmer, ne regardait pas du tout le lynx, et il s’en est approché, d’un pas assez déterminé. Lorsqu’il est arrivé à 5 ou 6 mètres du lynx, j’ai eu peur que l’animal se sauve, mais en réalité le lynx est resté sur sa proie, et ce monsieur, le voyant au dernier moment, a fait un bond extraordinaire ! On aurait dit une bande dessinée. Évidemment je voulais mettre cette scène dans le film car elle est exceptionnelle, mais malheureusement le monsieur est très vite parti, et par conséquent je n’avais pas le droit à l’image, et je ne l’ai jamais retrouvé. J’ai ensuite attendu un peu plus longtemps, et j’ai prévenu ma femme et mon fils. Mon fils n’était pas prévenu, mais ma femme savait qu’il y avait un lynx sur le chemin. Ils se sont rendus sur place pour recréer cette scène qui était vraiment importante pour moi, parce qu’on voit très clairement que l’animal n’est absolument pas dangereux pour la population.

 

Dans ce film, un focus est fait sur les accidents de la route, qui est la première cause de mortalité des lynx en France. On en a beaucoup entendu parler l’année dernière en Franche-Comté, car ces jeunes félins doivent partir à la conquête de leur propre territoire en traversant des zones à risque. Vous posez d’ailleurs la question « est-ce que le territoire des lynx est traversé par des routes, ou est-ce les routes qui sont traversées par le territoire du lynx ». Aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?

La population de lynx dans le Jura est d’environ 150 individus adultes. On sait très bien, et par définition il n’y aura jamais trop de prédateurs, puisqu’il y a une superficie donnée avec un nombre de proies qui est disponible ou pas. Actuellement, nous sommes dans une situation où la population, sur le plan numérique, se porte correctement. Cependant les territoires sont presque tous déjà occupés. Ce qui veut dire que les jeunes qui vont quitter leur mère vont devoir trouver des nouveaux territoires, qui peuvent être à plusieurs centaines de kilomètres. On a les Vosges, la Forêt Noire, éventuellement le nord des Alpes. Mais on a des zones industrielles, des zones agricoles, des routes, qui vont empêcher la dispersion de ces jeunes. Ce qui veut dire qu'on va très probablement, ces prochaines années, et c’est même déjà le cas, se retrouver avec des jeunes qui vont se faire écraser puisqu’ils traversent des zones dangereuses afin de trouver de nouveaux territoires.

 

Le lynx avait disparu d’Europe occidentale à la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui il a été réintroduit, permettant aux forêts de ressusciter et de retrouver un équilibre. Vous tenez dans votre film à remercier les acteurs du passé, sans qui cette histoire n’aurait pas eu lieu. Vous faites référence entre autres à Archibald Quartier. Maintenant c’est à votre tour, par le biais de votre travail, d’agir et de sensibiliser, de prouver au grand public le rôle fondamental des prédateurs, et du retour du lynx dans les forêts du Jura ?

Je me suis intéressé à cet animal il y a douze ans. Et je sais que malheureusement au début des années 2000, dans les Vosges, le grand public ne savait pas que le lynx existait. Il y avait eu une campagne de réintroduction au début des années 1980, mais malheureusement il y a eu du braconnage systématique. Par conséquent les lynx ont disparu des Vosges, mais comme le grand public ne savait pas que le lynx habitait cette région-là, il n’y a pas eu de réaction, et sa disparition est survenue dans l’anonymat le plus total. Mon but à moi, c’est de montrer au très grand public que cet animal existe dans le Jura, qu’il joue un rôle primordial, et que si un jour il venait à disparaître à nouveau, ce serait une véritable catastrophe écologique et patrimoniale sur le plan naturel.

 

La quête du lynx vous a-t-elle amené au-delà de votre rêve d’enfant ?

Le lynx, je vais continuer à le suivre, parce qu’il y a des individus que je connais, et que j’ai envie d’observer. Je mets des pièges photos pour savoir pas où ils passent, pour savoir dans quel secteur ils sont, et à quelle période. Et puis, c’est une très belle histoire. J’ai commencé à faire de la photo, puis j’ai filmé pour des documentaires. Ensuite on m’a proposé de réaliser un film cinéma, et visiblement le public était présent puisqu’on a fait des avant-premières où l’on a dû refuser du monde, et je m' excuse. On a eu un très bel écho, je suis très content du résultat, et si ça peut servir à la conservation de l’animal je n’en serai que plus heureux. 

 

Synopsis du film : 

"Au cœur des montagnes jurassiennes, alors que les brumes hivernales se dissipent, un appel étrange résonne à travers la forêt. La superbe silhouette d'un lynx boréal se faufile parmi les hêtres et les sapins. Il appelle sa femelle. Un couple éphémère se forme. C’est le début de l’histoire d’une famille de lynx. Leur vie s’écoule au rythme des saisons avec la naissance des petits, l’apprentissage des techniques de chasse, la conquête d’un territoire, mais aussi les dangers qui les guettent. En suivant le mâle, la femelle et ses chatons, nous découvrons un univers qui nous est proche et pourtant méconnu... Une histoire authentique où chamois, faucons pélerins, renards et hermines sont les témoins de la vie secrète du plus grand félin d'Europe. Prédateur indispensable à l’équilibre de la forêt, sa présence demeure néanmoins fragile dans un milieu largement accaparé par les humains. S’il est rarissime de croiser ce discret félin il est exceptionnel de découvrir son quotidien en milieu naturel."

 

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