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Accident mortel de Montflovin : Comment en parler avec nos ados ?

Les amis et la famille des deux adolescents qui ont perdu la vie mercredi matin dans un accident de la route ont perdu deux être chers. Un vrai drame. Comment surmonter cette épreuve ? Comment continuer à vivre malgré cet énorme chagrin ? Comment réagir face à cette injustice ? Nous avons posé ces questions au psychothérapeute Gérard Valat.

Que peut-on comprendre de ce que vivent ces adolescents qui viennent de perdre un ami ou une amie?

Ces adolescents vivent un drame. Ils auront besoin de beaucoup en parler. Ils vont vivre un choc traumatique. Ils vont ressentir un certain nombre de choses qui vont leur donner des images, des peurs, des révoltes et des chagrins. Ils auront besoin de mettre des mots sur ces sentiments. Ils doivent pouvoir raconter ce qu’ils ont vécu afin que cela ne s’inscrive pas dans leur mémoire de fonds. Ils ont besoin de partager cela pour éviter des stress post-traumatiques et que cela vienne encombrer la suite de leur existence ou bloquer leur vitalité.

Quelle forme peut prendre cette colère ?

Dans un premier temps, ils vont exprimer leur révolte contre le monde, la neige, le chauffeur de bus, ... . Ils auront besoin que cette colère soit écoutée. Mais qu’elle ne soit pas discutée et jugée. Ils vont devoir dire leur chagrin et faire le deuil de cet ami perdu. Une personne qui ne sera plus là, qu’ils ne verront plus, avec laquelle ils ne pourront plus partager. Ils auront besoin d’évoquer les souvenirs et dire leur peur et leurs inquiétudes face aux risques de la vie et de l’existence. On a souvent tendance à vouloir faire taire les adolescents. L’écoute est importante. Et ce, même s’ils racontent plusieurs fois les mêmes choses ou pas tout à fait la vérité. Ils n’ont pas besoin de dire la vérité. Ils ont besoin d’exprimer leur vécu. Ce qu’ils ont perçu.

Ce matin, au collège Lucie Aubrac où une cellule d’écoute a été mise en place, des jeunes ont écrit des chansons, des textes, mis des bougies, ... . Ces moments là sont importants ?

Tant que l’on a une représentation réelle ou symbolique des choses, le cerveau réorganise l’information pour pouvoir la digérer. Si cela reste simplement une émotion, cela va s’ancrer dans le corps avec des problèmes de sommeil, de digestion, des douleurs persistantes ou encore des chocs traumatiques.

Y-a-t-il des signes qui doivent inquiéter ?

Le signe le plus dangereux est le mutisme. Que le jeune se mette en retrait et qu’il ne parle plus parce qu’il a peur d’agacer, d’énerver ou d’avoir des réponses du type : « oublies. N’y pense plus. C’est fini. C’est du passé. Ce n’est pas grave Â». Tous les discours que l’on tient aux adolescents pour qu’ils n’expriment pas ce qu’ils ressentent. Ces jeunes ont été confrontés brutalement à une réalité difficile. Ils ont besoin d’en parler. On aurait tendance à vouloir trop vite tourner la page. Pour oublier le passé, on a besoin d’en parler et de le partager avec d’autres.

Cette période de deuil est-elle longue ?

Quand j’étais ado dans le Haut-Doubs, les gens portaient le deuil pendant deux années. Ce qui traduisait un respect pour eux. Aujourd’hui, on a tendance à vouloir que cette étape disparaisse rapidement. Sans doute que ces jeunes durant plusieurs mois, voire même plusieurs années, parleront encore de cet évènement. Ce qui ne veut pas dire qu’ils vont mal. Ils sont justes en train de le digérer doucement. Ils auront besoin d’une attention particulière dans les mois qui viennent.