Eugénie Burnier
Dans le Haut-Doubs, l’annonce a fait l’effet d’une onde de choc. Alors que le Festival de la Paille s’apprête à vivre en 2026 sa dernière édition après un quart de siècle d’existence, le collectif qui porte l’évènement, le Collectif Organisation, a découvert que la Saline royale d’Arc‑et‑Senans prévoyait une série de concerts… aux mêmes dates. Une décision prise sans concertation, déplore le collectif, qui publiait récemment un communiqué pour exprimer sa position. Nous avons rencontré Eugénie Burnier, directrice de l’évènement, afin de revenir sur cette situation inédite et sur les enjeux plus larges qu’elle révèle.
« Nous ne voulions pas faire de cette affaire une polémique »
D’emblée, la directrice du festival tempère : « Il était important pour nous de partager notre réaction, mais tout aussi important de ne pas en faire un conflit. Nous croyons profondément aux collaborations, elles sont une force pour les territoires. Simplement, cela nécessite de la concertation ». Informé tardivement de la tenue de plusieurs concerts aux mêmes dates que sa dernière édition, le Festival de la Paille s’est retrouvé devant un fait accompli. Une situation d’autant plus délicate que l’évènement vit sa phase finale, conséquence de difficultés financières qui frappent de nombreux festivals en France.
Deux modèles, un même territoire… et une décision mal comprise
Si la direction du festival reconnaît volontiers que la Saline royale a sa légitimité à accueillir de grands artistes, elle pointe un problème de méthode : « Les coïncidences de dates, ça arrive. Mais il y a une différence fondamentale entre être informé et être concerté ». La directrice rappelle que l'été précédent, lorsque le passage du Tour de France avait contraint le festival à modifier ses dates, un dialogue s’était naturellement instauré avec un autre évènement, le Festival Le Chien à Plumes, pour éviter toute concurrence préjudiciable. Ici, le reproche porte moins sur la programmation que sur le manque de coordination, d’autant que le département soutient les deux projets : « Pour nous, c’était contradictoire de mettre malgré nous deux événements en concurrence, alors que leurs modèles économiques et leurs vocations ne sont pas les mêmes. Ça pose la question de la politique culturelle que l’on veut mener sur le territoire du Doubs. »
Une crise qui dépasse la Paille : l’avenir des festivals associatifs en question
La situation fait écho aux difficultés rencontrées par d’autres acteurs régionaux, comme le No Logo Festival, et nationaux. Eugénie Burnier élargit la perspective : « Les festivals sont en difficulté : moins de subventions, des coûts qui explosent, des publics qui évoluent. Ce n’est pas un phénomène local, c’est national. Ce qui se joue, c’est l’existence même des évènements associatifs, de proximité, qui favorisent l’émergence ». Le risque, selon elle, est clair : voir disparaître des pans entiers du tissu culturel, et avec eux des retombées économiques importantes pour les territoires.
L'interview de la rédaction : Eugénie Burnier, festival de la Paille
« Le public nous porte, et cela compte énormément »
Malgré les tensions, la directrice livre une note d’espoir : l’ouverture de la billetterie pour la dernière édition du festival a rencontré un vif succès. « Le public a répondu présent, avec une bienveillance incroyable. Beaucoup nous ont dit : peu importe la programmation, nous serons là pour célébrer la dernière. C’est extrêmement touchant ». Les premiers noms de l’édition 2026 seront dévoilés cette semaine, accompagnés d’une offre de Noël spéciale. « Une série de surprises », promet Eugénie Burnier, pour faire de cette ultime édition une grande fête.
L'interview de la rédaction : Eugénie Burnier, festival de la Paille
Une alerte, mais aussi un appel
Au-delà du cas particulier, le Collectif Organisation appelle à une « vigilance commune » : de la part des organisateurs, des collectivités, des partenaires et du public. « Nous devons préserver ce qui fait la richesse culturelle du Doubs. Les collaborations existent entre festivals, entre salles, entre équipes. Il faut continuer dans ce sens. Sinon, on risque de déséquilibrer tout un écosystème. » La dernière édition du Festival de la Paille sera ainsi plus qu’un événement musical : elle apparaîtra comme un symbole, celui d’un modèle culturel qu’il faut défendre avant qu’il ne disparaisse.
L'interview de la rédaction : Eugénie Burnier, festival de la Paille