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Ce lundi matin, l’intersyndicale tenait une conférence de presse à la Maison des syndicats de Besançon afin de dénoncer les pratiques des forces de l’ordre lors de la manifestation du 1er mai, et plus globalement depuis l’instauration du 49.3. Des jeunes et des manifestants plus âgés étaient invités à livrer leurs témoignages devant la presse. Interpellations préventives et abusives, violences verbales et physiques, conditions de détention déplorables, non-respect des droits liés à la garde à vue : nombreuses sont les accusations reprochées aux forces de l’ordre. Une procédure judiciaire est envisagée par les victimes.

 

« Merci d’être présent aujourd’hui, de relayer nos témoignages, car l’heure est grave » indique les membres de l’intersyndicale en s’adressant aux médias présents ce lundi matin au 4B rue de Léonard de Vinci. « Parce qu’à longueur de journées, dans les grands médias, on entend parler de violences sur les policiers ou de dégradations dans la rue. Mais ils oublient une tout autre réalité. Celle des manifestants, pacifiques, injustement gazés, violentés et enfermés. Et ici, à Besançon, cela prend des proportions alarmantes » ajoute l’intersyndicale. Ce 1er mai 2023, plus de 10.000 personnes ont défilé dans les rues de la cité comtoise, afin de dénoncer la réforme des retraites, mais également pour exprimer les difficultés sociales qu’elles rencontrent au quotidien. Une manifestation qui a connu quelques affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre, débouchant sur 33 gardes à vue. Alors que selon Noëlle Ledeur, de l’intersyndicale, « il n’y a pas eu de violences de manifestants, mais bien des violences policières […] L’ambiance du cortège n’était pas à l’agressivité, on a vu des groupes de personnes se faire pourchasser, tabasser par la police ». Des propos soutenus par Amélie Lapprand du syndicat FSU, qui dénonce l’attitude du gouvernement, qui tente de « museler la colère par la force ».

 

De très nombreux témoignages

Aux côtés des représentants syndicaux, de nombreuses victimes, jeunes pour la plupart, venues témoigner devant les médias présents. Adrien, 18 ans, est le premier à prendre place face aux journalistes. Il raconte avoir été l’un des 13 premiers manifestants interpellés juste après les heurts de Granvelle. On lui reproche notamment d’avoir été tout de noir vêtu, tenue attribuée aux black-blocs, et d’avoir poussé du pied une bombe lacrymogène. Il est alors arrêté par les forces de l’ordre. « J’étais dans le cortège, et j’ai entendu une personne derrière moi indiquer qu’elle avait peur. Je me rends compte qu’elle est sur le point de faire une crise de panique. Je l’approche, je la tire vers moi parce que je vois la foule qui commence à s’agiter et se mettre à courir dans tous les sens. Et d’un coup, un policier en civil, portant seulement un casque, arriver par derrière et me projette au sol, puis m’encastre dans une porte. Avec un autre policier qui va venir planter son coude dans mon torse ». Adrien sera conduit en garde à vue avec 13 autres personnes, et y passera 6h dans des conditions déplorables. « On n’a pas eu le droit au médecin, ni à l’avocat, ni aux appels, on n’avait pas le droit d’aller aux toilettes, je n’ai même pas eu le droit de me laver les mains » raconte le jeune homme. « On était 7 entassés dans une cellule d’à peine 7m², et 4 d’entre nous étaient blessés avec des plaies et du sang. Et quand tu vois l’état des cellules, au niveau de l’hygiène, ça fait peur. Du sang, des déjections sur les murs, de l’urine par terre. J’ai dû aller me faire dépister quelques jours plus tard » ajoute Adrien. « Les droits des gardes à vues n’ont pas du tout été respectés" dénonce l’intersyndicale.

 

Témoignage complet d’Adrien : 

 

Autre témoin, Camille, 17 ans, qui participait à sa première manifestation sauvage. Il n’a pas été arrêté et a pu s’enfuir après quelques coups de matraque« Je me suis pris un coup au niveau de l’entre-jambe, et j’étais terrifié par les CRS derrière moi qui n’hésitaient pas à frapper alors qu’on n’avait rien de dangereux. Je me mets à courir, et c’est là que je commence à voir des CRS partout, à plus savoir où courir pour m’enfuir. Je me prends plusieurs coups dans le dos amortis par mon sac, et un beaucoup plus violent au niveau de l’épaule qui m’a laissé une marque et m’a fait très mal dans les jours qui ont suivi."

 

 

Témoignage de la mère d'un mineur interpellé : 

 

Témoignage de Steve, un manifestant qui jouait du tambour en tête de cortège : 

 

 

Une procédure judiciaire envisagée

Au total, 33 gardes à vue dans la même journée à Besançon, dont 6 mineurs. Selon les manifestants et l’intersyndicale, les jeunes étaient particulièrement ciblés, notamment ceux habillés en noir dont le visage était masqué. Evidemment, le rapprochement a été fait avec les regroupements des manifestants cagoulés de l’ultradroite à Paris ces derniers jours, largement dénoncée mais non réprimée. « Deux poids deux mesures » déplore Noëlle Ledeur. Dans les prochains jours, une procédure judiciaire est envisagée par les syndicats et les victimes « pour dénoncer les violences de l’Etat et essayer de les faire condamner ». Un dossier est actuellement en train d’être constitué avec le rassemblement de nombreuses pièces justificatives.

 

En ce mercredi 8 mars, journée internationale des droits des femmes, l’intersyndicale bisontine continue son appel visant à mettre la France à l’arrêt tout en rendant visible les conséquences de la réforme des retraites sur les femmes. L’intersyndicale fustige les propos du gouvernement déclarant que les femmes « seraient les grandes gagnantes » de cette réforme. Des manifestations se sont tenues cet après-midi à Besançon, Dole et Lons-le-Saunier.

Inégalités de carrière et de salaire, dévalorisation des métiers féminins, pensions inférieures, temps partiels… En cette journée internationale des droits des femmes, ces dernières se sont mobilisées pour réaffirmer leurs droits mais également afin de manifester contre la réforme des retraites, profondément injuste à leur égard. Elles seraient d’ailleurs « les plus impactées par cette réforme, en raison notamment des temps partiels qui leur sont imposés » indique Daniele Gouffon de la CGT. La représentante syndicale en profite aussi pour pointer du doigt la fonction publique, au sein de laquelle les déroulements de carrières sont les moins importants avec des évolutions moindres. Des propos soutenus par Laurence Mattioli du syndicat Sud Santé Sociaux, affirmant que « le gouvernement s’attaque frontalement aux femmes avec cette réforme qu’elles vont subir de plein fouet ». Leur départ en retraite est déjà en moyenne plus tardif (62 ans et 7 mois contre 62 ans), et leurs pensions plus faibles (40 % de moins, 28 % de différence avec les pensions de réversion). Mais avec le report de l’âge légal, les femmes devront travailler sept mois de plus en moyenne, contre cinq pour les hommes. L’écart sera encore plus important pour les femmes nées dans les années 1980, qui devront travailler huit mois supplémentaires, contre quatre pour les hommes. Pour toute ces raisons, l’intersyndicale a tenu à rappeler l’importance d’amplifier la mobilisation, notamment en invitant les associations et mouvements féministes lors de cette manifestation du 8 mars. Les Rosies, collectif féministe qui anime les manifestations par ses chorégraphies, a ouvert la manifestation en tête de cortège.

Selon des chiffres parus ce matin dans Libération, et rappelés par Vincent Bernaud de la CFDT, les femmes subissent des écarts tout au long de leur vie professionnelle. Tout temps de travail confondu, les femmes font face à -28% de salaire par rapport aux hommes, sur le même volume de travail, -17% de salaire par rapport aux hommes et sur le même poste et temps de travail, il s’agit de -5% de salaire par rapport aux hommes. Et puis, l’impact de la naissance du premier enfant sur le salaire des femmes dix ans après constitue une perte d’un tiers de leur salaire (33%). 

L’intersyndicale déplore aussi les critères de pénibilités « absolument pas pris en considération » dans les métiers du « care », du soin à la personne, qui sont par ailleurs les moins bien rémunérés. Amélie Lapprand, du SNUIpp-FSU évoque le cas d’une aide à domicile de 64 ans qui devra toiletter, manipuler, porter des personnes en difficulté. Elle dénonce "une réforme hors sol décidée par des gens, qui eux, ne travaillent pas dans la pénibilité".

 

Laurence Mattioli du syndicat Sud Santé Sociaux :