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Né en décembre 2022 sur les réseaux sociaux, « Infirmiers Libéraux en colère Â», ce collectif asyndical et apolitique, compte plus de 13.000 personnes en France, dont 170 infirmières libérales dans le Jura. Depuis sa création, il tend à faire remonter les difficultés de la profession au plus haut, afin d’être entendu. Ce collectif se mobilise afin de dénoncer le manque de considération et de reconnaissance envers cette profession. L’association demande de meilleures conditions de travail et une meilleure rémunération des infirmiers libéraux.

 

En première ligne lors du Covid-19

Les héros d’hier sont finalement les grands oubliés d’aujourd’hui. C’est en tout cas comme ça qu’ils se définissent, à l’image de Carole Giboudot, infirmière libérale à Lons-le-Saunier. « On s’est jeté dans le travail. Autant les hospitaliers que les libéraux. On a été applaudi. Le Ségur de la santé a été un vrai coup de pouce pour les hospitaliers, et heureusement qu’ils y ont eu droit, c’est légitime. En revanche, nous, nous n’avons eu aucune revalorisation de nos soins Â» déplore Carole Giboudot. L’infirmière libérale rappelle le rôle crucial que son corps de métier a joué pendant cette grande crise sanitaire, son positionnement en première ligne, alors même que l’on ignorait encore ce qu’était ce virus. Et pourtant, les infirmières libérales, nourries par tant de promesses comme beaucoup d’autres, s’y sont confrontées dignement, par devoir et par amour de la profession. Pour que quelques mois plus tard, celles-ci ressentent un sentiment d’abandon et d’invisibilisation. « Ã‡a nous a causé du tort. On se sent complétement délaissé. Alors qu’on allait chez des familles entièrement contaminées, on rentrait chez eux, et ce Covid on ne savait pas ce que c’était. On a eu des moments difficiles. On ne se posait pas de questions, on y allait, parce que c’est notre métier et parce qu’on aime ça. Mais derrière, on a eu aucune considération, aucune revalorisation Â» déplore Carole Giboudot.

 

Le mouvement a pris de l'importance sur les réseaux sociaux, notamment à travers des applications comme WhatsApp ou Facebook, sur lesquelles des groupes se sont formés et ont rapidement pris une ampleur significative. Au point d’avoir des répercutions au niveau national, régional et départemental. Le groupe Whatsapp du Jura comptabilise environ 170 infirmières libérales, sur 300 dans le Jura.

 

Des conditions de travail usantes, des moyens financiers qui régressent

Tout d’abord, Carole Giboudot évoque la prescription médicale et le système de rémunération. « Notre tarification fonctionne à l’acte médical (AMI) demandé sur l’ordonnance. Et puis, on a une nomenclature, où chaque acte est référencé et coté avec un certain tarif. Cette nomenclature, qui date de bien longtemps, n’a pas été révisée depuis 2009, et nous cote des actes très peu valorisés Â» indique l’infirmière. Une des premières revendications du collectif est de passer l’AMI de 3,15€ à 4€ brut, et de le réajuster régulièrement en fonction de l’indice d’inflation de l’Insee.

En plus de la revalorisation des actes médicaux, « Infirmiers Libéraux en colère Â» souhaite aussi celle des déplacements. « On voudrait que les indemnités kilométriques soient réévaluées. Une infirmière se déplace pour 2,50€ brut. Donc il nous reste 1,25€ pour se déplacer chez un patient Â» explique Carole Giboudot. Pour information, le même déplacement s’élève à 4€ pour les kinésithérapeutes et peuvent varier entre 10 et 43,5€ pour un médecin en fonction de l’horaire.

 

 

Également au cÅ“ur des débats, notamment à travers l’actuelle réforme des retraites : le critère de pénibilité, qui concerne bien évidemment ce corps de métier. « Pour pouvoir partir en retraite à taux plein, il faut qu’on attende 67 ans, sans aucune pénibilité reconnue dans notre profession. On peut monter et descendre une quarantaine de fois de la voiture pour aller voir nos patients. Sans compter le laboratoire, la pharmacie, etc. On se lève tous les matins à 5h, on travaille entre 12 et 14h par jour. On a une charge physique et psychologique parce que nous avons des soins et des prises en charge compliqués. Ça peut être des fins de vie ou du travail avec des enfants. On a un panel très large de soin, c’est très éprouvant. Il y a énormément de maladies professionnelles. Des problèmes lombaires, articulaires. Le fait d’être tout le temps dans la voiture, de mobiliser des patients lourds Â» souligne Carole Giboudot. Cette dernière indique que l’espérance de vie d’une infirmière libérale est inférieure à sept ans par rapport à la moyenne nationale.

Par ailleurs, Carole Giboudot, pointe aussi la hausse des charges, démultipliées depuis quelques années. Que ce soit l’essence ou le matériel. « On payait la boîte de gants 4,50€ avant le Covid, 22€ pendant, et maintenant 9€. On a doublé en 5 ans. Et malgré ça, nos paiements n’ont pas bougé depuis 15 ans Â» explique l’infirmière libérale. Et contrairement à d’autres professionnels de santé, si plusieurs actes médicaux sont pratiqués par les infirmières libérales, seul le premier acte est payé à taux plein. Les autres sont dégressifs. Ce qui veut dire que si vous avez une injection à réaliser, le pansement sera payé à taux plein parce que ce sera le plus gros acte, ensuite la prise de sang sera payée à moitié prix, et enfin l’injection sera gratuite, indique le collectif « Infirmiers Libéraux en colère Â».

 

 

Du temps, mais pas d’argent. Car oui, tous ces actes médicaux sont chronophages, intenses, indispensables, et les infirmières y consacrent énormément temps. Pour une maigre rémunération. « Pour donner une idée, en venant se faire poser un pansement au cabinet ou se faire retirer des fils, on va demander 6,30€ au patient. Il va nous rester ensuite 3,15€ net. Pour 20-30min de travail. Et derrière, on a environ 10min de papier, pour rentrer l’ordonnance du médecin, facturer, envoyer à la CPAM, la mutuelle, tout ça nous prend également beaucoup de temps Â» indique Carole Giboudot.

 

Toutes leurs revendications sont à retrouver sur cette pétition en ligne qui atteindra bientôt les 90.000 signatures : https://www.change.org/p/lettre-ouverte-des-infirmiers-lib%C3%A9raux?recruiter=1292791289&recruited_by_id=993c6bc0-9984-11ed-aa69-a1fdc26a704d&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink&utm_campaign=petition_dashboard