Mis en examen pour 24 empoisonnements, l’ancien anesthésiste de la clinique Saint-Vincent, le docteur Frédéric Péchier, est soupçonné de huit nouveaux cas d'intoxication de patients, dont quatre mortels.
L'affaire avait retenti en mars 2017. Elle provoquait la stupeur à la clinique Saint-Vincent et à la Polyclinique de Franche-Comté. Frédéric Péchier, ce médecin anesthésiste de 45 ans, était mis en examen pour avoir volontairement empoisonné sept patients entre 2008 et 2017. Placé sous contrôle judiciaire, il a toujours contesté ces accusations. L'anesthésiste est soupçonné d'avoir empoisonné les poches de perfusion de patients âgés de 4 à 80 ans, afin de provoquer des arrêts cardiaques lui permettant de démontrer ses talents de réanimateur, tout en discréditant des collègues avec lesquels il était en conflit.
Etienne Manteaux, le procureur de la République de Besançon tenait une conférence de presse ce mardi après-midi. Il a annoncé que les investigations portaient sur huit nouveaux cas de patients intoxiqués, dont quatre sont morts. Sur ces huit cas, sept correspondent à des intoxications présumées avec recours à l'adrénaline. Il s’agit d’une substance qui ne faisait pas partie des molécules retenues auparavant. Un huitième cas avait déjà été évoqué au cours de l'enquête, en 2020. En ajoutant les 24 empoisonnements de l'information judiciaire ouverte en 2017, Frédéric Péchier est désormais soupçonné de 32 empoisonnements, dont 13 mortels.
Ces huit cas sont donc versés au dossier mais l'anesthésiste n'est pas encore mis en examen pour ceux-ci. La magistrate attend les contre-expertises qui devraient arriver d'ici cinq mois. Après avoir reçu ces expertises, elle réentendra le docteur Péchier et décidera si elle le met en examen pour ces huit nouveaux cas.
Ce 30 septembre, il est 22h lorsque la mère de Frédéric Péchier l’entend crier, et décide d’entrer dans sa chambre. L’homme, alcoolisé, est assis face à elle sur le rebord de la fenêtre, et lui déclare : « Je n’en peux plus », avant de se laisser tomber en arrière, dans le vide, à 3,75 mètres de haut. Sa tête heurte le sol composé d’un dallage en béton. « Il a été polytraumatisé à la suite de ce choc, et son pronostic vital était engagé lors de son hospitalisation. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais les médecins ne peuvent actuellement se prononcer sur l’évolution de son état de santé, et les éventuelles séquelles » indique Etienne Manteaux, le procureur de la République de Besançon. Une enquête a été ouverte suite à cette tentative de suicide, conduite sous l’autorité du parquet de Poitiers. Sa mère a remis un message en date du 21 septembre 2021, où l’anesthésiste indiquait : « Je veux que cette vie s’arrête, je veux mourir innocent ».
Cette déclaration de la mère de Frédéric Péchier et de ses proches a agacé le parquet de Besançon, et plus particulièrement Etienne Manteaux. « Je ne peux pas laisser dire cela sans réagir, et c’est la raison première de mon intervention d’aujourd’hui » précise le procureur de la République. « Je souhaite rétablir la vérité en rappelant les grandes étapes que ce dossier a connues », poursuit-il. Des trois informations judiciaires, à la mise en examen du suspect, en passant par les enquêtes préliminaires, la quantité abondante d’analyses et d’investigations en cours, Etienne Manteaux énumère pléthore de constituants dans ce vaste dossier. De l’exhumation des corps, des expertises et contre-expertises, de l’analyse des molécules présentes dans les poches de réhydratation servant à perfuser les patients, le procureur de la République liste un nombre considérable de données. « Ce dossier compte à cette heure plus de 15.700 cotes, que doivent nécessairement maîtriser et connaître les experts, et cela dit tout le travail conséquent qui doit être mené » indique Etienne Manteaux. « Il faudra encore que M. Péchier et que ses proches fassent preuve de patience », souligne-t-il.
« Je ne sais pas quelle sera l’évolution de l’état de santé de M. Péchier, mais je veux aujourd’hui être très clair. Même si M. Péchier devait être diminué suite à sa tentative de suicide, ou s’il venait à réitérer un acte suicidaire, quoiqu’il advienne, les investigations judiciaires se poursuivront jusqu’à leurs termes. Jusqu’à ce que tous les actes qui apparaissent utiles à la manifestation de la vérité dans ce dossier soient diligentés. L’institution judiciaire mènera à son terme l’investigation dans ce dossier, j’en prends l’engagement devant vous aujourd’hui » confie Etienne Manteaux.