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Du Jura aux Etats-Unis : le périple de Quentin pour avoir de nouvelles oreilles

Quentin est né sans oreille, ni conduit auditif. Cette malformation s’est produite lors de la grossesse. Les médecins ne savent pas vraiment à quoi elle peut être due, si ce n’est qu’elle serait liée à l’absence d’amygdale. C’est en Asie qu’on trouverait le plus de cas. « On supposait peut-être un médicament que ma femme aurait pris pendant la grossesse mais rien n’est sûr » explique Yann, le père.

Le jeune garçon de 14 ans est appareillé depuis ses quatre mois. Il n’a donc pas été nécessaire pour lui d’apprendre le langage des signes. Une chose qui lui a permis de bien s’adapter, notamment à l’école. « J’ai toujours bien suivi en cours et ça se passe très bien au collège. J’ai des bonnes notes » nous explique-t-il. Aujourd’hui en 3ème au collègue du Plateau à Lavans les Saint-Claude, il souhaite devenir architecte. Malgré tout, il y a certaines choses que Quentin ne peut pas faire. Il est, par exemple, dispensé de sport. « En maternelle et en primaire, les élèves jouaient souvent au ballon mais moi je ne pouvais pas à cause de mon appareil qui était fragile et onéreux » témoigne-t-il, rajoutant que sa famille gardait les anciens équipements auditifs « au cas où ». Mais cette dispense n’a pas vraiment l’air de déranger le jeune Quentin, plutôt passionné par la guitare et le dessin.

 

La désillusion

En 2013, sous les conseils de leur pédiatre, les parents de Quentin décident de se tourner vers un professeur de Lyon afin d’avoir recours à une reconstitution des oreilles, sans conduit auditif. « Personne ne nous l’a conseillé. En France, ils ne savent pas faire » affirme Corinne, la maman. Une intervention qui devait être normalement sans douleur. « On était confiants » poursuit-elle.

La première opération a lieu en 2013, afin de créer l’oreille droite. « Au début on était contents, on voyait l’oreille ». Mais tout ne se passe pas comme prévu. Pendant une semaine, Quentin a un drain [dispositif permettant l’écoulement d’un liquide corporel, comme le sang ou le pus, ndrl] et ses parents doivent se relayer jour et nuit pour ne pas qu’il se l’arrache. En tout, il subira cinq opérations, qui n’ont « abouti à rien du tout » d’après Corinne. L’oreille droite finira par s’infecter et devra être enlevée. « On en a un mauvais souvenir, ça a été un échec total ». Malgré ça, les parents ne décident pas d’engager de poursuite. « On ne savait pas dans quoi on s’engageait, on n’y connait rien » explique Yann. À gauche, l’oreille a été retirée par un des professeurs américains en charge de Quentin lors de leur récent voyage. Les tissus sanguins étaient très abimés selon lui.

 

Les États-Unis : un nouvel espoir

L’histoire de Lucas, un enfant du Nord dans la même situation que Quentin, sera le déclic pour la famille. En voyant que les parents du garçon souhaitent le faire opérer aux États-Unis, Corinne décide de les contacter pour leur dire que l’intervention est possible en France, malgré l'expérience passée. « Je leur ai demandé pourquoi ils ne faisaient pas ça en France alors que c’était possible. Heureusement qu’ils ne m’ont pas écoutée parce qu’aux États-Unis, c’est une merveille ! ».

En suivant l’aventure de la famille, elle trouve le nom des chirurgiens, qui s’occuperont plus tard de Quentin : les docteurs Roberson et Reinisch. Après des échanges par Skype et une rencontre lors d’une conférence à Paris, il ne fait plus aucun doute pour Yann et Corinne : leur fils sera pris en charge par ces chirurgiens. « On a pu aussi parler avec des parents dont les enfants s’étaient faits opérer. Ça nous a mis en confiance ».

 

La solidarité au rendez-vous

Mais une telle opération requiert des fonds. Beaucoup de fonds. Plus d’une centaine de milliers d’euros. « Quand ma femme me parlait du montant de l’opération, ça me paraissait insurmontable. Et au final, je me suis dit qu’on n’avait rien à perdre » témoigne le papa.

La famille crée alors l’association « Quentin pour deux oreilles » avec une page Facebook associée et lance une cagnotte Leetchi. Ils font parler d’eux dans la presse régionale. L’histoire de l’adolescent touche. En deux ans, ils récoltent 110 000€ grâce aux dons et associations qui leur viennent en aide. Le collège de Quentin se prête même au jeu en organisant un cross solidaire. Cette initiative permettra de récolter 5000€ pour l’opération. Quentin est encore aujourd’hui très reconnaissant. « C’était vraiment sympa de la part des professeurs, des élèves, du personnel en général de s’investir autant pour nous soutenir ».

 

10 octobre 2019 : l’opération tant attendue

Il est temps pour la famille de partir aux États-Unis. Elle trouve plusieurs locations aux alentours de San Francisco, là où l’intervention est prévue. Elle permettra à Quentin d’avoir une nouvelle oreille gauche et un conduit auditif à droite. Alors qu’en France, il s’agit d’un prélèvement au niveau des côtes afin de reproduire une oreille, la technique est bien différente de l’autre côté de l’océan. Une espèce de plastique que le corps de ne rejette pas a été développé, avec lequel il est possible de créer du volume. Les chirurgiens se servent ensuite des tissus sanguins présents au niveau du crâne afin d’irriguer la graisse puis recouvrent de peau.

Une rencontre avec les médecins la veille et le voilà déjà en route pour le bloc. « Je n’avais pas spécialement de stress avant l’opération, je savais à peu près comment ça allait se passer » explique Quentin, déjà habitué avec son expérience à Lyon.

Il restera près de dix heures sur la table de chirurgie. « Quand il s’est réveillé, il m’a demandé si c’était fini, je lui ai dit que oui. Et franchement, ce n’était que du bonheur » révèle Corinne, avouant avoir été moins stressée qu’à Lyon. « Quand ils ont pris Quentin, pour moi c’était comme s’ils prenaient leur enfant. Là-dessus, ils sont au top ! ». Un contexte rassurant donc, surtout avec un personnel hospitalier au petit soin, ne manquant pas de donner des nouvelles toutes les deux heures à la famille grâce à Google Traduction !

 

Une expérience positive

L’opération s’est bien passée, Quentin se sent juste un peu vaseux, chose normale après une anesthésie générale. Mise à part une légère douleur à l’endroit où de la peau lui a été retirée afin de recouvrir son oreille, l’adolescent ne souffre pas. « Je n’ai quasiment rien senti ».

Des consultations de suivi sont fixées tous les cinq ou six jours et deux semaines après l’intervention, Quentin peut enfin découvrir son oreille. « Quand je l’ai vu, j’étais impressionné par le travail qu’ils avaient fait et par sa beauté » affirme le principal concerné. Un travail qui lui permettra d’entendre complètement dans quatre mois. Une légère différence se fait tout de même déjà ressentir. « Quand je n’avais pas du tout de conduit auditif du tout, je n’entendais pas de la même façon que maintenant », affirme Quentin, même s’il explique ne pas pouvoir suivre une conversation entière sans appareil pour le moment.

Quentin arbore dès à présent une nouvelle oreille, qui n’a d’ailleurs pas manqué d’attiser la curiosité de ses camarades de classe. « Ils ont tous regardé, quelques-uns me posaient des questions… ». Un retour à l’école qui s’est fait sans mal, son retard ayant pu être rattrapé grâce aux cours publiés sur le logiciel scolaire Pronote.

 

Dernière ligne droite

Le prochain voyage se fera en avril prochain. Et quand on demande à Quentin comment il appréhende cette nouvelle opération : « Je suis hyper confiant. Là je n’ai plus aucun doute. J’aborderai ça comme le début de la fin. J’aurai mes deux oreilles, tout sera terminé. Je commencerai une nouvelle vie ». Même s’il affirme n’avoir jamais vraiment prêté attention aux regards des gens, Quentin se plait à s’imaginer « comme les autres ».

Prévue pour le 21 avril prochain, cette nouvelle intervention se fera seulement avec le Dr Reinisch puisqu’il n’y aura qu’une oreille à créer, le conduit auditif gauche ne pouvant pas être percé car l’oreille interne serait trop endommagée. Mais la même problématique du premier voyage se pose : celle du financement. Il manque actuellement 35 000€ à Quentin et ses parents. Pour les récolter, la cagnotte Leetchi est toujours ouverte. Des associations, déjà présentes la première fois pour certaines, affichent également l’ambition d’aider la famille.

Cette dernière, de son côté, va réitérer certains évènements qu’elle avait déjà organisé la première fois. Ainsi, une vente de Monts d’Or et de saucisses de Morteau est prévue. Les réservations se feront en décembre et la distribution aura lieu en janvier. Le 15 février, un loto prendre place à l’Épinette du côté de Saint-Lupicin. Le dernier avait suscité l’intérêt avec plus de 300 personnes présentes. « C’est l’évènement où on a le plus récolté » se remémore Quentin. Enfin, une soirée dansante « spéciale années 80 » se fera le 15 mars, au même endroit. Les places sont limitées à 200 personnes, pour une raison de confort. « À chaque fois, on doit refuser des gens tellement il y a du monde… ». D'autres évènements pourraient voir le jour d'ici avril.

Une chose est sûre, la famille se souviendra longtemps de ce voyage aux Etats-Unis, qui était une première pour eux. Malgré tout, quand on leur demande s’ils préfèrent la Californie ou le Jura, la réponse est immédiate et en cœur : « Le Jura ! ».

 

Pour suivre l’aventure de Quentin et sa famille, rendez-vous sur leur page Facebook : https://www.facebook.com/pg/Quentin-pour-2-oreilles-2010123345930963/posts/