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Entretien : Mobilisation contre l'augmentation du prix de l'essence, mais pas que...

Avec la forte augmentation du prix de l’essence ces derniers temps, de nombreux citoyens s’organisent pour faire entendre leur mécontentement. 
C’est le cas à Dole dans le Jura. Fabrice Shlegel a créé un groupe Facebook appelé De l’essence de la contestation le jour où il a réalisé ce qu’il subissait à la pompe chaque semaine. 

Avec plus de 47 000 membres ce groupe veut se faire entendre. Ils se réunissent vendredi à 8h avenue de Lahr à Dole pour faire entendre la grogne citoyenne.
Des centaines d’automobilistes sont attendus vendredi.
Rencontre avec Fabrice Shlegel…

Plein Air : Comment est venue l’idée de lancer le groupe De l’essence de la contestation ? Nous avons pu constater que la grogne va au-delà des taxes sur les carburants, expliquez-nous.

Fabrice Shlegel : Ce groupe permet aux gens de se retrouver et de marquer leur exaspération d’une politique fiscale qui a été mise en place il y a quelques années.
Ce n’est plus un groupe visant l’augmentation du prix des carburants. On voit bien aujourd’hui, pour le français moyen que nous sommes à peu près tous, le pouvoir d’achat diminue, on a de plus en plus de mal à finir les fins de mois.
On est taxés sans cesse, et en retour, on n’est pas mieux soignés, nos anciens ne sont pas mieux pris en charge, nos enfants ne sont pas mieux éduqués, nos policiers ne vont pas mieux, notre justice est toujours à l’abandon.
On veut bien payer mais on voudrait avoir des services en face.

Plein Air : Quelle a été la goutte d’eau qui vous a fait réagir et qui vous a fait créer ce groupe ?

F.S : La goutte d’eau ou devrais-je dire la goute d’essence. Chaque fois que l’on fait le plein, on a une piqure de rappel.
Quand j’ai vu mon compteur de pompe arriver à 118 euros, j’ai compris que c’était grave voire très grave. J’ai créé ce groupe et depuis on me cherche des poux. Je sais pertinemment que je ne fais pas partie des plus malheureux. Je suis très impacté malgré tout. Pour moi c’est quelque chose en moins, en revanche pour les plus pauvres ce sont des sacrifices vitaux qu’ils sont obligés de faire et ça me tient à cœur de les défendre. On assigne à résidence les plus faibles.

Plein Air : Depuis la création du groupe avez-vous reçu des témoignages de personne qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Qu’est-ce que l’on vous a dit ?

F.S : Oui évidemment que j’ai eu des témoignages. Des témoignages poignants qui me confortent dans cette lutte.
J’ai eu par exemple une personne qui allait voir sa mère dans un EHPAD à Dole tous les jours, mais avec la hausse des prix elle ne va plus pouvoir le faire tous les jours puisqu’elle habite à 20km de Dole. Et ça je trouve, que lorsque l’on a la chance d’avoir des gens qui s’occupent de leurs parents mais qui n’ont plus les moyens de s’en occuper, on arrive à un niveau de grogne que notre gouvernement de sourd doit entendre.
Ce sont des situations pratiquement inhumaines.

Plein Air : Cette grogne vous dites qu’elle n’est pas entendue. Vous vous êtes réunis la semaine dernière avec un certain nombre de dolois en colère et vous avez souhaité que les couleurs politiques soient mises de côté pour se réunir autour du même combat.
Avez-vous réussi à vous mettre d’accord ? Qu’avez-vous ressenti lors de cette rencontre ?

F.S : J’ai senti une connexion entre tout le monde malgré les divergences politiques. Je pense que dans les préfectures, on commence à se poser des questions sur ce nombre de personnes en colère. J’espère que bientôt ils vont comprendre que ce n’est pas une fois de plus quelques travailleurs qui défendent leurs intérêts, mais que cette fois c’est le peuple, le français moyen, le peuple avec un grand P qui est en train de se lever. Ce qui n’est pas arrivé depuis fort longtemps.
Tout le monde arrive à saturation.

Plein Air : Ce mouvement que vous avez créé dans le jura doit faire des envieux et en agacer d’autres. Avez-vous été contacté par des partis politiques, des syndicats, des associations ?

F.S : En toute transparence j’ai été contacté par deux partis politiques qui étaient plutôt d’extrême droite auxquels je n’ai pas donné suite. J’ai également été menacé par des partis d’extrême gauche, puis j’ai été contacté par des « républicains Â» ou l’on m’a plutôt félicité de cette initiative.
J’ai aussi évidemment été contacté par La République en Marche, me disant que j’étais mal placé pour mener cette lutte car d’après eux je fais partie des chanceux.

Dans le même temps, j’ai rencontré les services de la Préfecture. Nous sommes des révolutionnaires en col blanc, c’est-à-dire que nous allons faire les choses correctement en respectant les personnes, le domaine public et la République. J’ai donc travaillé avec les services de la Préfecture pour faire des actions qui restent dans le cadre de la légalité, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi.

Plein Air : On parle des services de la Préfecture, parce que vous vous mobilisez vendredi. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette manifestation représentée par le symbole de la carotte ?

F.S : La carotte c’est le symbole de la lutte. Il y en a malheureusement deux dans la société française. La carotte fiscale, celle que l’on concède aux très riche et celle que l’on nous met à chaque impôt à chaque taxe. Et celle-là on en a marre, ce sera le symbole de notre union.
Le problème de ce système c’est que l’on n’a pas de vision à long terme. On a une fiscalité punitive et l’on voudrait des hommes politiques avec des visions à long terme. Pour le moment ils visent seulement la réélection.

Tout est symbole ! A Dole on ne va pas révolutionner le monde, mais si Macron est accueilli partout en France avec des carottes à la main, peut-être qu’il redescendra de son nuage pour regarder le peuple qu’il gouverne. On n’a vraiment pas l’impression d’être entendu par ce président-là particulièrement, même s’il n’est pas le seul.
Ca fait quelques années déjà que l’on est matraqués. Mais lui il va de par son mépris rencontrer un obstacle qu’il n’avait pas prévu.

Plein Air : Vendredi qu’avez-vous prévu pour vous faire entendre ? Où est prévu le rassemblement ?

F.S : J’invite tout le monde à nous retrouver vendredi 2 novembre à 8h avenue de Lahr à Dole. J’en profite aussi pour expliquer que les routiers ne vont pas nous rejoindre. La raison est simple, la TICPE (Taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques) qui taxe nos carburants est récupérée en partie par les routiers. Pour l’instant le gouvernement les tiens avec ça, ils ne bougeront pas tant qu’ils auront cette exonération partielle.

On va donc faire une action concrète vendredi et nous serons reçus en audience par le sous-préfet à Dole.

Plein Air : Vous préparez cette mobilisation-là, mais je suppose que vous êtes déjà en train de voir plus loin. Le 17 novembre une manifestation s’organise au niveau national. Est-ce que dans le Jura cette mobilisation est prévue à cette date-là ou plutôt le 16 novembre, la veille, lors de la venue du président de la République à Besançon ?

F.S : Ah ! Pour répondre à la première partie de la question, le 17 novembre ça s’annonce comme quelque chose d’énorme à tout niveau. Tellement fou d’ailleurs qu’il va falloir mettre de l’ordre pour se coordonner et ne pas faire n’importe quoi. Ça ne sert à rien d’agir un grand coup puis ensuite de rester dans l’autosatisfaction parce que l’on a réussi une fois et puis relâcher le combat ensuite. Dans le Jura nous allons nous en occuper et nous allons faire ça très bien.
En ce qui concerne le 16 novembre et la venue du président Macron à Besançon, j’ai été contacté par de nombreuses personnes pour faire quelque chose. Mais c’est plus compliqué, on a l’impression d’être dans une démocratie mais le monarque va débarquer chez nous et nous n’allons pas pouvoir faire grand-chose.
Il va probablement arriver en hélicoptère à Besançon, les services de sécurité vont bloquer tous les accès donc notre marge de manœuvre est faible voire inexistante. La sécurité sera trop importante pour que l’on agisse.

Plein Air : Vous avez la sensation d’être plus impacté dans le Jura ?

F.S : Il est vrai que le Jura se sent concerné, pourquoi ? Parce que le Jura c’est un département rural qui est en première ligne et qui souffre. Evidemment on ne peut pas mettre des bus partout à toutes les heures pour que les gens puissent travailler donc c’est un département très impacté par les mesures sur le carburant.

Plein Air : Est-ce que certains justement ont dénoncé votre combat dans le sens ou vous ne devriez pas lutter contre la hausse du prix des carburants mais plutôt pour obtenir plus de desserte ferroviaire, plus de bus etc. ?

F.S : C’est exactement ça, bien sûr que l’on me l’a dit. Mais il faut revenir sur ce que je disais précédemment sur le manque de vision de nos hommes politiques. Pour l’instant on a une fiscalité punitive mais nous n’avons aucune vision sur comment faire la transition.
Le français est prêt à comprendre, il est prêt à entendre et surtout il est prêt à être aidé pour faire cette transition, mais pour l’instant on ne lui permet pas. Aujourd’hui le français paye sans savoir où il va.

Je remarquerai quand même que certains nous pointent du doigt en disant que l’on veut polluer plus, mais pas du tout, on se trompe de combat ! Tout le monde est prêt à polluer moins, mais pas à n’importe quel prix ! Certains ne peuvent pas.

Nous parler d’écologie quand on nous parle de taxe c‘est vraiment nous rouler dans la farine. Quand on sait que la prime à la reconversion et la prime à l’achat d’un véhicule électrique baissent. Quand on voit également que ce n’est même pas 10% du surplus d’impôt qui sera consacré à la transition écologique l’alibi écologique ne tient pas une seule seconde.

Et c’est un manque de vision. On est tous en demande, on sait que la planète ne va pas bien. Mais nos politiques n’ont pas une vision à long terme parce que la voiture électrique ce n’est pas tenable. Ces voitures coutent très cher, et ce n’est pas adapté à la vie d’une famille.
Si demain tout le monde roule en électrique, comment fait-on pour fournir l’électricité ? La question du retraitement des batteries se pose aussi. Ou va-t-on trouver les matériaux pour les fabriquer ? Est-ce que une fois de plus on va piller l’Afrique et tout déforester avec des méthodes invasives pour aller chercher les métaux rares dans ces pays-là pour faire des batteries ici ?

Qu’est-ce que le gouvernement a mis en place comme solution alternative aux moteurs à diesel et à essence ? Le gouvernement a trouvé une solution, c’est de nous faire payer ! Et c’est la mauvaise solution.