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Journée internationale des droits des femmes : Anne Vignot, une femme et une maire engagée

En l’honneur de la journée mondiale des droits des femmes, la rédaction met en lumière des femmes importantes de la région tout au long de la semaine. Pour ouvrir le bal, Anne Vignot, maire de Besançon, nous parle de la place de la femme dans la société, du chemin à parcourir en termes d’égalité, ainsi que de son parcours et ressenti en tant que femme dans le monde politique.

Il est 14 heures, la maire de Besançon est en pleine réunion dans son bureau. Notre arrivée interrompt l’édile et le groupe de travail présent. Insuffisant pour enlever à Anne Vignot une bonne humeur et une accessibilité rare pour une élue de cette importance. Une fois installés, le sourire laisse place au sérieux pour parler d’un sujet qui ne l’est pas moins. Deux jours après avoir participé à la manifestation en faveur des droits des femmes, Anne Vignot se confie volontiers sur son expérience et son regard, en tant que maire mais avant tout en tant que femme, sur les mouvances sociétales des derniers mois et années. Concernant la place de la femme dans la société, Anne Vignot reste loin d’être satisfaite. La maire veut aller plus vite, frapper plus fort. Après des siècles de déni et de silence sur les violences faites aux femmes, la libération de la parole sur la place publique, et notamment sur les réseaux sociaux, constitue une bonne première étape, qu’il faut poursuivre : «L’étape de la libération de la parole était peut être confuse mais nécessaire. Maintenant, il faut que l’on rentre dans une autre étape qui est celle de la formalisation des actes, et cela passe par la justice. Les victimes doivent s’autoriser à aller jusqu’à porter plainte, et cette étape est encore difficile Â».

Changer les moeurs

Une étape difficile pour plusieurs raisons. D’une part, par le choc psychologique de la victime, qui peut avoir du mal à poser des mots sur les violences dont elle a été victime. D’autre part, par la considération et le respect accordé à sa parole. En France, de nombreuses femmes témoignent chaque semaine du traitement de la police vis-à-vis de leurs accusations. Remarques déplacées, ou encore accusations pas prises au sérieux, certains actes n’encouragent pas ces femmes à réclamer justice. Symbole du chemin à parcourir, un tweet douteux de la police nationale ce week-end a suscité l’indignation, avant d’être supprimé. Le tweet encourageait les femmes à ne pas envoyer de photos privées, plutôt que de mettre en garde les hommes sur les conséquences du « revenge porn Â». Même son de cloche au sein de l’opinion publique. Il n’est pas rare de voir, sur les réseaux sociaux par exemple, des doutes s’immiscer vis-à-vis des des accusations de violences faites aux femmes par des personnalités célèbres. Pour la maire Anne Vignot, le problème est profondément ancré dans les mentalités, et changer prend du temps : « C’est un héritage culturel très difficile à faire changer. Si vous voulez que ça bouge, il faut que ça soit partout. Dans les écoles, dans les services, à l’assemblée, dans la rue, etc… Il faut que dans les zones d’échanges, on réaffirme la place de la femme et de l’égalité Â».

Éduquer, former

Concrètement le changement des moeurs passe évidemment par un travail éducatif, dès le plus jeune âge : « Il faut enseigner que dans tous les domaines, les femmes ont eu une place importante. Dans l’art, dans la politique, pendant la guerre… Il faut aussi travailler sur la manière dont on déploie les jeux dans la cour d’école. À Besançon, nous travaillons pour qu’il n’y ait pas d’espace masculin et d’espace féminin. Par exemple, lors des jeux de ballon, il faut faire attention à ce que les filles ne soient pas exclues. Depuis toujours, la société enseigne qu’il existe des jeux de garçon et des jeux de fille, il faut changer cela Â». La maire veut éduquer, mais également mieux former les agents de la ville, de la police municipale, et même de la fonction publique : « Il faut mieux former sur le rapport entre agents, pour pouvoir détecter plus vite si quelque chose d’anormal se passe au sein d’une famille par exemple. Au niveau des ressources humaines, nous sommes intransigeants, c’est un message à envoyer. On se doit d’être respectueux les uns des autres. On envisage pas une seconde un retour sur une main aux fesses ou sur une remarque déplacée. Ça a été très longtemps accepté, maintenant ce n’est juste plus possible Â».

Sexisme et politique

Le combat tient à coeur de la maire de Besançon, et pour cause, entrée dans le monde politique il y a 11 ans, Anne Vignot a elle-même vécu, et vit toujours le sexisme et la misogynie de la part d’élus et militants : « Vous ressentez très souvent la misogynie. Auparavant certains politiques étaient capables de le dire clairement. Maintenant ce n’est plus possible, mais vous sentez dans certains mots et certaines attitudes que la misogynie existe en politique. Il y a encore des élus qui pensent qu’une femme ne peut être crédible en politique, ou compétente dans le domaine de la finance par exemple Â». Un sexisme politique contre lequel se bat la maire, très fière de voir aujourd’hui trois femmes diriger ville, département, et région : « Travailler avec Marie-Guite Dufay (présidente de Bourgogne-Franche-Comté), et Christine Bouquin (présidente du Doubs) est une vraie fierté. On peut discuter et avancer sur de nombreux projets. On ne se pose pas la question d’un éventuel rapport de force. Le débat n’est pas dans la séduction ou dans ce rapport de force, mais dans des rapports argumentés. On parle de projets sur un pied d’égalité et c’est quelque chose de très plaisant et constructif Â».