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Scrutin proportionnel: perfectionnement démocratique ou instabilité politique ?

Grande promesse d’Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle, l’instauration de la proportionnelle aux élections est revenue au centre du débat, après l’envoi par François Bayrou d’une lettre destinée au président de la République à ce sujet.

Démocratie plus représentative ou déstabilisation politique inéluctable, dur de distinguer les enjeux et conséquences réels de l’engouement actuel autour de la proportionnelle. Remis au cÅ“ur de l’actualité en janvier par François Bayrou via une lettre adressée au président de la République, le scrutin proportionnel fait plus récemment l’objet d’une proposition de loi déposée devant l’Assemblée Nationale par Patrick Mignola, président du MoDem au sein de l’hémicycle. Mais en quoi consiste clairement ce mode de scrutin ? Adopté dans la quasi-totalité des pays européens à l’échelle des élections législatives (seuls la France et le Royaume-Uni ne l’utilisent pas), le scrutin proportionnel donne un nombre de sièges à chaque parti politique proportionnellement au nombre de voix obtenues. Ce n’est actuellement pas le cas en France, où le scrutin majoritaire est utilisé. Les électeurs votent pour le candidat de leur choix dans leur circonscription, et le vainqueur à l’issue des deux tours remporte sa circonscription.

Du bon…

Que changerait donc concrètement un passage à un scrutin proportionnel total ? Tout d’abord, les électeurs voteraient à l’échelle nationale ou départementale. Un parti qui remporterait par exemple 13% des voix à l’échelle nationale, obtiendrait 13% des 577 sièges à l’Assemblée Nationale, soit 75 sièges. Attention tout de même, les propositions effectuées par Patrick Mignola devant l’hémicycle font état d’une partie seulement de proportionnelle aux législatives. En d’autres termes, ce mode de scrutin ne toucherait que les plus grandes circonscriptions et verrait donc son impact bien amoindri comparé aux hypothèses effectuées. Il n’en reste pas moins un mode de scrutin bien plus représentatif et démocratique selon Laurent Croizier, président du MoDem du Doubs : « Aujourd’hui, les français sentent-ils leur sensibilité politique représentée à l’Assemblée Nationale ? Il se trouve que le scrutin majoritaire ne permet pas cela. On appelle à un changement de culture afin qu’il y ait une meilleure représentation Â». Une volonté de changement également motivée par le désintérêt grandissant des français pour la politique. Pour rappel, seulement 4 français sur 10 se sont déplacés dans les urnes cet été pour les élections municipales : « On ne peut pas rester inactifs et regarder cela comme une fatalité. Il faut changer des choses », s’insurge Laurent Croizier.

… Et du moins bon

Cependant, ce type de scrutin défavoriserait considérablement les grands partis en mettant à mal leur majorité au sein de l’hémicycle. Une réelle déstabilisation politique donc, qui pourrait retirer une grande partie du pouvoir décisionnaire de la majorité. Une instabilité dont n’a pas besoin le pays en ces temps de crise selon Ludovic Fagaut (LR) : « Je ne suis pas sûr que la crise sanitaire et institutionnelle dans laquelle nous sommes aujourd’hui soit propice au changement pour un scrutin proportionnel. Il faut laisser gouverner ceux qui ont été mis au pouvoir via un suffrage universel avec une vraie majorité Â». Autre point sensible de la mise en place de la proportionnelle, le nombre de sièges accordés aux extrêmes. Une hausse de leur présence à l’Assemblée Nationale serait redoutée par les partis traditionnels. Pour rappel, François Mitterrand avait en 1986 instauré le scrutin proportionnel aux législatives. 36 députés issus du Front National dont un certain Jean-Marie Le Pen, avaient ainsi pu accéder à l’Assemblée Nationale. Un cas de figure que souhaiterait éviter La République En Marche.

La proportionnelle intégrale à l’échelle municipale ?

Si le scrutin des élections municipales est déjà en parti proportionnel, il n’est cependant pas intégral. La majorité vainqueur du suffrage remporte une « prime majoritaire Â» qui lui permet de bénéficier d’une grande majorité au conseil municipal, et ce peu importe l’écart de voix lors des élections. C'est pour cette raison que les élus de droite ne bénéficient à Besançon que de 11 sièges sur 55, malgré le très faible écart avec la liste menée par Anne Vignot lors des élections. Critiquée dans son comportement, et accusée de déni de démocratie par ses opposants municipaux, cette dernière serait-elle contrainte de travailler davantage conjointement avec la droite et le centre en cas de mise en place d’un scrutin proportionnel intégral aux municipales ? Pas selon Ludovic Fagaut, plutôt favorable au dialogue et à la politique participative, qu’à la mise en place d’un nouveau mode de scrutin : « Certes il n’y a eu que très peu d’écart lors des élections entre la liste de Mme Vignot et la mienne, mais une majorité a été élue, et madame le maire en a besoin. Qu’on soit 11 ou 25 élus de Besançon Maintenant ne change rien. Cela n’empêche pas madame le maire d’échanger et de travailler avec nous Â».